Pour la saison 2024/25, j’ai le plaisir d’être chroniqueur cinéma pour Dans la Mosaïque sur Ici Première de Radio-Canada Toronto. L’émission est animée par Myriam Eddahia, avec Ramin Pezeshki à la réalisation et Romain Cravignac à la mise en ondes. Un vendredi sur deux à 17h30, je parle des films les plus marquants de la saison, des blockbusters aux pépites indépendantes. Ma chronique couvre divers genres, mettant en lumière des œuvres qui suscitent des débats, explorent des thèmes actuels ou proposent des perspectives innovantes. Que vous soyez amateur de films populaires ou de productions plus confidentielles, cette chronique vous offre un panorama varié du meilleur du cinéma.
For the 2024/25 season, I’m pleased to be a film critic for Dans la Mosaïque on Ici Première, Radio-Canada Toronto. The show is hosted by Myriam Eddahia, with Ramin Pezeshki as the producer and Romain Cravignac as the broadcast engineer. Every other Friday at 5:30 p.m., I discuss the most noteworthy films, from blockbusters to indie gems. My segment covers a range of genres, highlighting works that spark discussion, explore current themes, or offer innovative perspectives. Whether you’re into popular films or more niche productions, this French-language segment provides a diverse look at the best in cinema.
François Ozon : L’Enfant Terrible du Cinéma Français entre Provocation, Mystère et Polyvalence
François Ozon, souvent qualifié d’« enfant terrible » du cinéma français, est l’un des cinéastes les plus prolifiques et audacieux de sa génération, avec plus de 40 films réalisés en 25 ans. Cette productivité remarquable s’accompagne d’une qualité technique et d’une maîtrise narrative indéniables.
Ozon se distingue par sa polyvalence et son goût pour l’expérimentation, s’aventurant dans divers genres cinématographiques. Contrairement à de nombreux réalisateurs qui se spécialisent dans un style ou un genre particulier, Ozon passe librement du thriller au drame psychologique, de la comédie au mélodrame, tout en conservant une identité cinématographique forte. Cette quête perpétuelle de nouveaux territoires, associée à un style visuel raffiné et une narration souvent marquée par l’ambiguïté, reflète un cinéaste qui aime surprendre, aussi bien par les histoires qu’il raconte que par la forme de ses films. Sa capacité à maîtriser différents genres tout en y apposant sa touche unique contribue à son statut particulier dans le cinéma français.
Ozon est également reconnu et primé à l’international, notamment dans les festivals de Cannes, Berlin et Venise, ce qui témoigne de son rayonnement au-delà des frontières françaises. Ses films, souvent à la croisée du succès populaire et de l’innovation artistique, suscitent autant l’intérêt que la controverse, lui permettant de toucher un large public tout en restant fidèle à son style personnel. Il incarne ainsi une figure de réalisateur équilibrant cinéma d’auteur et accessibilité, explorant sans cesse ses thèmes de prédilection.
Bien que sa filmographie soit variée et couvre une multitude de genres, certains éléments récurrents se dessinent dans l’univers d’Ozon : un personnage central (les femmes), un genre de prédilection (le mystère), une approche provocatrice et une influence majeure (Rainer Werner Fassbinder).
Un personnage : La femme autonome et résiliente
François Ozon explore la complexité et la profondeur de ses personnages féminins en abordant des thèmes tels que le désir, la transgression et la quête d’identité. Ces personnages, loin d’être de simples objets de désir, incarnent des dimensions psychologiques et morales qui reflètent la vision singulière d’Ozon sur la féminité. Dans L’Amant double, par exemple, la protagoniste Chloé, interprétée par Marine Vacth, fixe directement la caméra dès l’ouverture du film, créant un lien de confrontation avec le spectateur. Ce regard rappelle celui de la fin de Les Amants criminels, soulignant une constante dans le cinéma d’Ozon : ses héroïnes sont actives, maîtresses de leur image et en quête de sens. En effet, Ozon renverse le regard traditionnellement objectifiant souvent imposé aux femmes dans le cinéma. Dans L’Amant double, Chloé, tourmentée par des doubles et des miroirs qui fragmentent son identité, est déchirée entre des désirs contradictoires et une quête de soi profonde. Elle est elle-même observatrice de son propre corps, posant des questions sur son identité et ses désirs réels, dans une introspection intense que peu de films osent aborder avec autant de sincérité.
Dans Les Amants criminels, Alice (Natacha Régnier) incarne également une figure de pouvoir et de contrôle, mais elle se trouve confrontée à ses propres vulnérabilités, notamment face à un ravisseur qui bouleverse ses certitudes. La scène finale, où le personnage de Luc fixe la caméra, fait écho à l’ouverture de L’Amant double, invitant le spectateur à porter un jugement tout en étant complice des regards échangés. À travers des personnages comme Alice et Chloé, Ozon explore les tensions entre pouvoir et soumission, désir et désillusion, permettant une réflexion profonde sur la psyché féminine et ses complexités. Par contraste, ses personnages masculins homosexuels, bien qu’importants, ne sont pas toujours aussi finement développés, ce qui semble refléter la volonté d’Ozon de faire de ses personnages féminins les miroirs de ses interrogations sur la nature humaine.
Un genre : Le mystère
Le mystère occupe une place centrale dans les films de François Ozon, peu importe le genre ou l’histoire. Que ce soit dans un drame psychologique, une comédie satirique, un thriller ou un film historique, le mystère structure ses récits et imprègne ses personnages d’ambiguïté et de secrets. Cette omniprésence du mystère permet à Ozon de maintenir une tension constante, engageant le spectateur dans un jeu d’interprétation entre ce qui est dit, ce qui est suggéré et ce qui demeure caché. Dans Swimming Pool (2003), par exemple, le mystère plane sur les motivations et les relations entre les personnages. Sarah Morton, écrivaine en quête d’inspiration, est déstabilisée par l’arrivée imprévisible de Julie, qui semble remettre en question toutes ses valeurs. Le film floute constamment les frontières entre réalité et fiction, car chaque geste de Julie devient un terrain d’incertitude pour Sarah et, par extension, pour le spectateur.
Été 85 (2020) offre un autre exemple de mystère avec la révélation initiale de la mort de David, avant de plonger dans un flashback à travers le regard d’Alex. Cette relation intense, pleine d’ombres, interroge les véritables causes de la mort de David : était-ce un accident ou un acte de jalousie ? Le mystère, dans ce cas, est autant narratif qu’émotionnel, laissant le spectateur naviguer dans les contradictions et secrets de cette romance tragique. Chez Ozon, le mystère ne se limite pas à maintenir le suspense ; il est fondamental pour explorer des thèmes tels que l’identité, le désir, la morale et les relations humaines. Cette approche du mystère traverse toute son œuvre, permettant une exploration de la complexité de l’âme humaine.
Une approche : Provocateur
François Ozon est connu pour son approche provocatrice, explorant des thèmes tabous tels que la sexualité, la famille et la moralité. Dans Sitcom (1998), il utilise la satire pour aborder les tensions cachées et les pulsions sexuelles d’une famille bourgeoise dont le quotidien est bouleversé par un rat de compagnie. Le film joue sur des comportements absurdes et transgressifs, révélant des désirs enfouis derrière une façade de respectabilité, et culminant avec la destruction symbolique de la figure paternelle, renversant ainsi l’ordre patriarcal traditionnel.
Avec Grâce à Dieu (2018), Ozon adopte une approche plus sobre pour traiter des abus sexuels au sein de l’Église catholique. Inspiré par des faits réels, le film explore les traumatismes des victimes et l’omerta de l’institution religieuse, offrant un espace de parole et de reconnaissance aux survivants. Contrairement à Sitcom, qui se sert de l’humour noir et du grotesque, Grâce à Dieu traite son sujet avec une gravité respectueuse, soulignant la portée sociale et morale de cette affaire sans montrer explicitement les abus, mais en donnant la parole aux victimes.
Ces deux exemples montrent comment Ozon parvient à provoquer et interroger les normes sociales tout en invitant le public à réfléchir sur les structures de pouvoir et la justice morale.
Une inspiration : Rainer Werner Fassbinder
Le cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder a exercé une influence durable sur François Ozon, qui s’inspire de son œuvre pour aborder la transgression, la sexualité et la critique sociale. Dans Peter von Kant (2022), Ozon réinterprète Les Larmes amères de Petra von Kant (1972), transformant le personnage de Petra, créatrice de mode manipulatrice, en Peter, un réalisateur de cinéma obsédé par son jeune amant. Cette relecture incarne la fascination d’Ozon pour les dynamiques de pouvoir et de dépendance émotionnelle.
Les gouttes d’eau sur pierres brûlantes (2000), adapté de Tropfen auf heiße Steine, incarne également l’influence de Fassbinder, abordant les thèmes de domination et manipulation dans les relations amoureuses avec une esthétique inspirée des décors minimalistes et de la lumière froide propres au style de Fassbinder. Ozon, comme Fassbinder, se sert de ses personnages pour explorer les contradictions et les tensions de la psyché humaine, mettant en scène des figures marginales et des relations complexes empreintes de désir et de dépendance.
Quand vient l’automne
de François Ozon
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Le dernier film de François Ozon, Quand vient l’automne clôturera le festival Cinéfranco demain. Le film met en vedette Hélène Vincent et Josiane Balasko dans les rôles principaux. L’histoire suit Michelle, une septuagénaire parisienne vivant à la campagne, qui se retrouve mêlée à un sombre secret familial après un incident troublant lors d’un repas.
1. Comment François Ozon transforme-t-il une histoire familiale réelle en une intrigue mystérieuse et captivante ?
Le film s’inspire d’un incident survenu dans la famille du réalisateur : la tante d’Ozon a un jour préparé un repas à base de champignons cueillis en forêt, rendant toute la famille malade, sauf elle, la seule à ne pas en avoir mangé. Le doute est alors resté : l’a-t-elle fait exprès ? Voulait-elle empoisonner sa famille ? À partir de cette anecdote, Ozon construit une intrigue autour de Michelle (incarnée par Hélène Vincent), une septuagénaire parisienne installée à la campagne, et de sa fille Valérie (jouée par Ludivine Sagnier). L’incident des champignons révèle les tensions latentes entre mère et fille, mettant en question la confiance au sein de la famille. Avec l’automne et ses forêts mystérieuses comme toile de fond, le film crée une atmosphère énigmatique et nuancée, marquant l’un des films les plus charmants et subtils d’Ozon.
2. Quelle place occupent la nature et l’ambiance automnale dans le développement de l’histoire et l’état d’esprit des personnages ?
La forêt automnale de Bourgogne occupe une place centrale dans le film, ajoutant une dimension de mystère et de tension à l’intrigue. En situant l’histoire dans cette saison de transition, Ozon met en scène le lien entre la nature et les réflexions intérieures des personnages, en particulier lors de leurs sorties en forêt pour la cueillette des champignons. Ce décor permet de faire ressortir des émotions cachées et des secrets familiaux, tout en créant une connexion intime entre le spectateur et l’intrigue.
3. Comment les performances subtiles des acteurs ajoutent-elles au mystère et permettent-elles au spectateur de s’interroger sur les intentions des personnages ?
Dans ce polar délicat, Quand vient l’automne, les personnages révèlent peu de leurs pensées, laissant au spectateur le soin de décoder chaque geste et expression pour tenter de saisir leurs véritables intentions. Les interprétations nuancées de Hélène Vincent et Josiane Balasko jouent ici un rôle clé, insufflant au film une tension où les non-dits parlent autant que les dialogues. Michelle a-t-elle réellement commis une erreur avec les champignons, ou un dessein plus sombre est-il à l’œuvre ? Le fils de Marie-Claude a-t-il vraiment changé ? Est-il impliqué dans une relation ambiguë avec le petit-fils de Michelle ? Ces questions ouvertes et cette approche en demi-teintes confèrent au film une dimension d’enquête psychologique, incitant le spectateur à devenir lui-même détective, tirant ses propres conclusions sur les mystères intérieurs des personnages.
Quatre questions sur la quadrilogie autobiographique de Ricardo Trogi : 1981, 1987, 1991, 1995.
1. En quoi les films 1981, 1987, et 1991 de Ricardo Trogi capturent-ils l’essence des années de formation tout en offrant un portrait sincère et hilarant du passage à l’âge adulte ?
Les premiers trois films autobiographiques de Ricardo Trogi nous immerge dans les jeunes années de l’auteur, incarné par Jean-Carl Boucher, et explore des étapes décisives de sa vie. Dans 1981, Ricardo, 11 ans, s’invente des histoires pour impressionner ses camarades, dissimulant sa réalité et rêvant d’un monde où il pourrait s’offrir les objets de ses désirs sans effort. Avec 1987, Trogi dévoile un Ricardo de 17 ans, confronté aux défis de l’adolescence : trouver un emploi, naviguer dans ses premières relations amoureuses, et rêver d’ouvrir un club pour jeunes. Enfin, 1991 le suit à 21 ans en Italie, où il découvre ses propres limites et navigue entre réalité et fiction. Ces récits capturent l’ambiance et les détails des années 80 et 90, tout en offrant un reflet universel des petites batailles intérieures qui façonnent chacun d’entre nous.
2. Quel rôle joue la narration en voix off dans la trilogie et comment contribue-t-elle à l’humour et à l’introspection, caractéristiques de l’œuvre de Trogi ?
La narration en voix off est un élément central de cette trilogie, apportant une touche intime et humoristique aux films. Elle crée une connexion directe entre Ricardo et le spectateur, offrant un aperçu de ses pensées, justifications et doutes, et est souvent remplie d’esprit et d’autodérision. Narrée par Trogi lui-même dans 1981 puis par Boucher dans les autres films, cette voix nous fait non seulement rire des situations cocasses qu’il traverse, mais aussi réfléchir à ses erreurs et faiblesses. Ce procédé renforce l’intimité des récits, rendant l’expérience plus personnelle et engageante.
3. Comment les thèmes de l’autodérision et de la vérité sont-ils explorés dans la trilogie, et pourquoi sont-ils si essentiels à l’impact de cette série de films ?
Trogi utilise l’autodérision pour révéler les défauts de son alter ego avec un mélange de vulnérabilité et d’humour. Dans 1981, le jeune Ricardo est un menteur invétéré, créant des histoires pour masquer ses insécurités. 1987 explore les défis et aspirations d’un adolescent désireux de laisser sa marque, tandis que 1991 le pousse à affronter sa propre fragilité lors d’un séjour mouvementé en Italie. Dans chaque film, Trogi partage sans filtre des moments embarrassants de sa vie, confrontant ses faiblesses aux attentes du spectateur. Cette introspection rend ses récits non seulement comiques mais profondément humains, soulignant que le véritable héros est peut-être celui qui accepte, avec humour et humilité, ses propres imperfections.
4. En quoi l’ajout de 1995 transforme-t-il la trilogie autobiographique de Trogi en une quadrilogie et enrichit-il la vision de son parcours de vie ?
Avec 1995, Ricardo Trogi étend sa série autobiographique pour y inclure une période charnière de sa vie adulte, marquant une évolution du simple coming-of-age vers une réflexion plus mûre sur son identité et sa carrière. Alors que 1981, 1987, et 1991 relatent des expériences formatrices liées à l’adolescence et à l’entrée dans l’âge adulte, 1995 aborde le début de sa vie professionnelle à travers le prisme de La Course, une émission emblématique qui l’a poussé à découvrir le monde tout en assumant pleinement son ambition de cinéaste. Ce nouvel opus explore également l’idée d’une quête interminable — Trogi poursuit toujours une femme ou un moment insaisissable, une métaphore de ses aspirations et des désirs inaccessibles qui le guident depuis l’enfance. Cette progression rend 1995 particulièrement touchant, car elle nous montre un Trogi qui, bien que plus accompli, continue de naviguer entre ses rêves et la réalité, enrichissant ainsi sa série de films d’une dimension introspective et nostalgique.
Trois questions sur le film 1995 de Ricardo Trogi:
1. En quoi 1995 de Ricardo Trogi se distingue-t-il des autres films autobiographiques de la série (1981, 1987 et 1991) ?
1995 s’inscrit dans la continuité des films autobiographiques de Ricardo Trogi, dans lesquels il explore différentes périodes formatrices de sa vie. Après avoir dépeint son enfance et son adolescence dans 1981, 1987 et 1991, Trogi se penche ici sur son passage à l’âge adulte, marqué par sa participation à La Course de Radio-Canada, une émission emblématique des années 90 où de jeunes cinéastes parcouraient le monde pour réaliser des films. Dans 1995, l’énergie frénétique et l’esprit parfois schizophrénique de Trogi se manifestent pleinement, capturant l’essence même de sa jeunesse marquée par l’enthousiasme et la nervosité face à de nouvelles expériences. Jean-Carl Boucher, qui incarne Trogi dans chacun des films de la série, revient une fois de plus, et sa performance permet aux spectateurs de retrouver un personnage devenu familier. Cette continuité ajoute une dimension nostalgique, renforçant le sentiment d’accompagner Trogi tout au long de son parcours de vie.
2. Comment le film utilise-t-il l’humour pour aborder des thèmes universels comme le voyage et la bureaucratie ?
Trogi fait preuve d’un talent certain pour transformer des situations ordinaires en moments de comédie hilarante. Dans 1995, le réalisateur exploite des clichés culturels avec un regard amusé et incisif, créant ainsi des scènes inoubliables. Par exemple, une séquence mémorable sur la bureaucratie égyptienne tourne au comique, avec un Trogi pris dans un labyrinthe administratif qui frôle l’absurde. De même, le réalisateur n’hésite pas à jouer avec des stéréotypes belges, poussant les situations à l’extrême pour illustrer les frustrations universelles que beaucoup rencontrent en voyage ou face à des procédures administratives complexes. Ces touches d’humour, bien que légères et parfois exagérées, permettent au film de toucher un public large, tout en rendant hommage aux défis de la vie quotidienne à l’étranger. Au-delà du rire, ces moments révèlent la capacité de Trogi à observer et à interpréter le monde avec une sensibilité unique, montrant ainsi les absurdités de notre société d’un point de vue personnel et engageant.
3. Quelle est l’importance de la culture québécoise dans 1995, et comment Trogi parvient-il à la représenter de manière authentique ?
L’un des points forts de 1995 réside dans sa représentation vibrante et sincère de la culture québécoise. Trogi ancre son film dans un univers profondément québécois, allant au-delà des clichés pour explorer des éléments authentiques de cette identité culturelle. La narration en voix-off, avec son accent québécois distinctif, renforce cet ancrage régional et offre aux spectateurs une immersion dans le contexte linguistique et social du Québec. À travers des expressions typiques, des décors locaux et des thèmes qui résonnent avec le public québécois, Trogi invite les spectateurs à découvrir ou redécouvrir la richesse de cette culture. Contrairement aux stéréotypes souvent exagérés sur les origines italiennes de sa famille, il met ici en avant une culture québécoise vivante, exprimée avec une énergie brute et une honnêteté rafraîchissante. Ce film est une véritable célébration de l’identité québécoise et de la quête personnelle de Trogi, captivant ceux qui s’intéressent à la diversité culturelle tout en offrant une perspective introspective sur l’expérience de grandir dans ce contexte particulier. 1995, qui ouvrira le Festival international du film francophone Cinéfranco 2024 à Toronto, est un incontournable pour quiconque souhaite plonger dans l’univers captivant de Ricardo Trogi et explorer le Québec à travers son regard unique.
La femme cachée
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur La femme cachée de Bashir Bensaddek:
1. Comment La femme cachée aborde-t-il les thèmes du traumatisme et de l’identité chez une immigrante à Montréal ?
Dans La femme cachée, le réalisateur Bashir Bensaddek entraîne le spectateur dans une exploration poignante des blessures enfouies d’Halima, interprétée par Nailia Harzoune, une immigrante enceinte vivant à Montréal. Halima est déchirée entre sa vie actuelle avec son mari québécois et sa jeune fille, et les traumatismes de son passé en France, profondément marqués par les structures patriarcales de sa famille algérienne. Le film, dans sa lente révélation de l’histoire d’Halima, illustre une vie marquée par la soumission et des blessures émotionnelles persistantes. Bien que les détails de son traumatisme demeurent flous au début, le récit suggère que la majeure partie de sa souffrance résulte des normes patriarcales oppressives imposées aux femmes de sa famille. Par son retour en France, Halima s’engage dans un parcours de confrontation avec les fantômes de son passé, cherchant à trouver une issue pour ne pas transmettre ce lourd héritage à son fils à naître.
2. Quel rôle joue le passé de la famille d’Halima, notamment la figure du père Harki, dans la dynamique familiale et les secrets dévoilés au cours du film ?
L’un des éléments les plus marquants du film est la révélation autour du père d’Halima, un Harki, membre de la population algérienne ayant soutenu les forces coloniales françaises pendant la guerre d’Algérie. Vivre en France après avoir été rejeté par sa propre communauté ajoute une couche de trahison et de désarroi qui influence profondément l’histoire et la place de la famille dans leur communauté. En retrouvant ses frères et sœurs — Nasserine, Malik, Kaina, et Rachid — tous profondément marqués par la rupture familiale et l’isolement, Halima se prépare à affronter ses parents pour briser le silence qui a façonné leur enfance. La révélation finale, partagée par Nasserine, expose une vérité douloureuse : leur père n’était ni un héros ni une simple victime des circonstances historiques, mais un homme ayant dirigé sa famille avec crainte, violence et déshonneur. Ce secret familial met en lumière les fractures profondes et durables qui continuent de hanter cette génération, tandis que la phrase amère de Nasserine, “Nous sommes des fruits pourris, enfants de deux arbres pourris,” résume l’ampleur du traumatisme intergénérationnel.
3. Comment La femme cachée s’inscrit-il dans la continuité du travail de Bashir Bensaddek sur la mémoire et l’expérience des immigrants, comme dans Montréal la blanche ?
La femme cachée s’inscrit dans la lignée des œuvres de Bashir Bensaddek explorant les thèmes de la mémoire, du traumatisme et de l’expérience de l’immigrant. Dans son précédent film, Montréal la blanche (2016), Bensaddek nous présente deux réfugiés algériens à Montréal, dont Kahina, une ancienne star de la musique ayant simulé sa mort pour échapper aux persécutions, et un chauffeur de taxi. Tous deux sont aux prises avec leur passé et les défis de l’exil, où s’entremêlent questions d’identité, de déplacement culturel, et de l’intersection entre vie religieuse et séculaire. Kahina, tout comme Halima dans La femme cachée, navigue dans les complexités de l’identité, du traumatisme et de la dislocation culturelle à Montréal. Ce film tisse habilement des thèmes de recherche de soi et de fermeture des blessures générationnelles, soulignant la résilience d’Halima, déterminée à ne pas transmettre cet héritage de silence et de soumission. Présenté au Cinéfranco – Festival international du film francophone, du 1er au 10 novembre 2024 au Carlton Cinema de Toronto, La femme cachée invite les spectateurs à une réflexion profonde sur la voix et l’identité retrouvées dans le contexte de l’immigration.
Trois questions sur Hôtel Silence de Léa Pool:
1. Comment le film Hôtel Silence explore-t-il le thème de la reconstruction, tant physique qu’émotionnelle, dans un pays dévasté par la guerre ?
Dans Hôtel Silence, Léa Pool nous invite à suivre le parcours de Jean, un homme au bord du désespoir qui part à la recherche d’un sens à sa vie dans un pays tout juste sorti d’un conflit dévastateur. Interprété par Sébastien Ricard, Jean arrive dans une ville jonchée de ruines et de poussière, où il se met à réparer les structures endommagées d’un hôtel relativement intact. Ce lieu devient pour lui à la fois un refuge et un symbole de sa propre reconstruction intérieure. Les réparations qu’il effectue, au-delà de leur aspect pratique, incarnent son processus de guérison personnelle. Jean comprend peu à peu que son chagrin est minime face aux souffrances de ceux qui l’entourent. À travers des scènes symboliques, comme ses promenades dans la ville parmi les sanctuaires improvisés et les ruines, le film souligne la résilience et la force des survivants. Pool illustre ainsi avec poésie que la reconstruction ne se limite pas aux murs et aux objets, mais touche aussi l’âme et le courage des individus, dans une quête de renouveau et de guérison.
2. Comment les rencontres de Jean dans Hôtel Silence, notamment avec Christina et Ana, influencent-elles son parcours vers la rédemption ?
Les rencontres de Jean dans cet hôtel jouent un rôle essentiel dans son cheminement personnel. Christina, une journaliste de guerre interprétée par Irène Jacob, le confronte directement en lui demandant s’il est un “touriste des catastrophes,” un homme en quête de sens dans un pays ravagé. Cette confrontation amène Jean à se voir sous un autre jour, répondant humblement : “Je suis juste un bricoleur. Ils ont demandé de l’aide, j’essaie d’aider. Ça m’aide aussi, je n’ai pas ton courage.” En parallèle, Ana, une employée de l’hôtel, révèle subtilement les cicatrices de sa propre vie, laissant entendre que son fils Adam pourrait être né d’un acte de violence. Cette révélation apporte une dimension supplémentaire de tragédie et de résilience au récit. Les échanges de Jean avec Christina et Ana font écho à la souffrance de la communauté et renforcent sa propre quête de rédemption. Ils lui rappellent que son acte de réparation, aussi humble soit-il, contribue à apaiser les douleurs collectives, tout en amorçant son propre processus de guérison.
3. En quoi le cinéma et les arts sont-ils des symboles de résilience et d’espoir dans Hôtel Silence ?
Un des moments les plus émouvants du film se déroule lorsque Jean contribue à restaurer la petite salle de cinéma de l’hôtel. Cette scène symbolise la puissance curative des expériences collectives et de l’art, en tant que moyens de réaffirmer l’espoir et la force des survivants. Dans un pays marqué par les stigmates visibles et invisibles de la guerre, cette restauration représente bien plus qu’un simple acte physique ; elle incarne un retour à une normalité partagée et un refuge dans les récits et les images. Le cinéma devient ici un espace où la communauté peut se retrouver et retrouver un semblant de joie et de beauté, malgré les horreurs environnantes. Ce moment rappelle également au spectateur l’importance de la mémoire et de la transmission, un fil conducteur qui parcourt l’œuvre de Pool et trouve un écho dans la réflexion de Jean : “Il suffit d’une rencontre pour que tout redevienne possible.” À travers ce symbole, Hotel Silencemontre que la résilience n’est pas uniquement une question de survie, mais aussi une affirmation de la vie et de la culture, qui aident à redonner un sens au monde et à l’avenir.
Trois questions sur Un Coup de Dès, réalisé par Yvan Attal:
1. Quels sont les éléments clés de Un Coup de Dès qui ancrent le film dans le genre du film noir ?
Un Coup de Dès, réalisé par Yvan Attal, est fondamentalement une histoire classique de jalousie, de trahison et de chance, des éléments constitutifs du film noir. Ce thriller psychologique plonge dans le trope familier de l’“accusé à tort” dans un crime passionnel, tout en introduisant une réflexion sur les ombres que nous projetons. Le film explore la manière dont les personnages utilisent ces ombres, soit pour servir leurs propres intérêts, soit pour les envelopper dans la jalousie qu’ils éprouvent envers la vie d’autrui. Attal emploie les caractéristiques typiques du film noir : narrateur hors champ omniprésent, personnages guidés par des passions incontrôlables, crises psychologiques, dilemmes moraux, partitions musicales tendues et une cinématographie chargée de contrastes ombragés. Des scènes emblématiques de rues trempées par la pluie ou de personnages qui conduisent sans but en repensant à leurs actions soulignent cet héritage cinématographique tout en modernisant ces thèmes. Ainsi, le film s’intègre dans la tradition du noir tout en abordant des dilemmes contemporains.
2. Comment le film explore-t-il les thèmes de la trahison, de la culpabilité et de la conscience à travers ses personnages principaux ?
Un Coup de Dès met en scène Mathieu (Yvan Attal) et Vincent (Guillaume Canet), deux amis proches dont la vie est bouleversée par la découverte d’une liaison extraconjugale. L’amitié du duo, autrefois renforcée lorsque Vincent a sauvé la vie de Mathieu, commence à se fissurer lorsque Mathieu découvre que Vincent trompe sa femme. La situation devient encore plus complexe lorsque la maîtresse de Vincent est retrouvée morte, et que le soupçon commence à planer sur les deux hommes. À mesure que secrets et mensonges se révèlent, le récit expose les dilemmes moraux et les tensions psychologiques qui accompagnent la loyauté, la trahison et le poids de la conscience. Les personnages sont déchirés entre culpabilité et désir d’absolution, et leurs relations, autrefois solides, s’effondrent sous la pression de ces révélations. Le film pose alors une question troublante : jusqu’où peut-on aller sans perdre sa conscience ?
3. Dans quelle mesure Un Coup de Dès remet-il en question la frontière entre le destin et le hasard, et quel impact cela a-t-il sur les personnages ?
Dans ce thriller, le destin et la chance occupent une place centrale, incitant les personnages à remettre en question le contrôle qu’ils exercent sur leur propre vie. À un moment clé, le véritable coupable du crime confie, “Je ne serai jamais pardonné, et c’est ma punition,” tout en contemplant ses actions et leur impact irréversible. Sa tentative de fuite est d’ailleurs interrompue par une tempête, comme un clin d’œil symbolique aux forces du destin. “Je ne crois pas assez en Dieu pour penser que ces événements sont guidés par une volonté supérieure, mais tout semble parfaitement en place,” ajoute-t-il, poussant les spectateurs à s’interroger sur le rôle de l’intervention divine — ou du pur hasard — dans leur propre vie. Malgré sa dépendance à certains clichés du noir, le film utilise cette réflexion pour poser des questions profondes sur la loyauté, la culpabilité et la rétribution. Adapté du roman Ball Trap d’Éric Assous, le film est une introspection sur les forces qui guident les comportements humains et les frontières floues entre culpabilité et innocence, laissant les spectateurs sur des questions existentielles jusqu’au dénouement final.
Trois questions sur Ici et Là-bas de Ludovic Bernard:
1. Quel est le point de départ narratif d’Ici et Là-bas et comment Ludovic Bernard traite-t-il la question de l’identité culturelle?
Dans Ici et Là-bas, Ludovic Bernard revisite les thèmes de l’exil et de l’identité à travers un road movie qui parcourt la France profonde. Le film suit deux personnages aux parcours culturels inversés qui défient leurs origines respectives. Sékou, incarné par Ahmed Sylla, est un homme sénégalais qui se réinvente en “Cédric,” un Français de souche, pour pouvoir travailler dans la gastronomie française et promouvoir les produits du terroir. À l’opposé, Adri, interprété par Hakim Jemili, est un Français blanc profondément immergé dans la culture sénégalaise, qui rêve de retourner au Sénégal pour rejoindre sa femme enceinte et embrasser pleinement cette nouvelle identité. Bernard utilise ces personnages pour interroger les clichés entourant l’identité française et critique une société encore très attachée à ses racines. Le film nous invite ainsi à explorer ce que signifie vraiment appartenir à une culture ou à une nation, tout en mettant en lumière les préjugés et attentes qui pèsent sur chacun.
2. Comment le film aborde-t-il les thèmes de l’acceptation et de la tolérance à travers le voyage des personnages?
Ici et Là-bas utilise le road movie pour transformer le voyage de Sékou et Adri en une quête d’acceptation et de tolérance. Dans l’une des scènes emblématiques, Adri confronte son père en lui lançant : “Tu as peur de tout ce qui est différent, Papa.” À travers cette interaction et d’autres moments similaires, le film pose la question de l’acceptation de la différence et du poids des attentes sociales. Les deux protagonistes, chacun confronté aux regards scrutateurs et aux jugements parfois décourageants, redécouvrent ce que signifie vraiment appartenir à une culture. Le parcours du film devient alors une introspection où les personnages remettent en question leur appartenance, que ce soit par rapport à leurs origines ou à leur nouvelle identité. Ainsi, le film amène les spectateurs à se demander : sommes-nous vraiment obligés de nous enraciner dans une culture qui ne résonne pas en nous ?
3. Le film offre-t-il une réflexion significative sur l’inclusion et l’intégration, ou se contente-t-il de rester dans la comédie?
Bien que Ici et Là-bas maintienne un ton léger et humoristique, une question persiste en filigrane : cette comédie réussit-elle à intégrer les différences culturelles ou à proposer une vraie réflexion sur l’inclusion ? Le film explore les différences culturelles et les stéréotypes liés à la tradition française, notamment dans la représentation critique et humoristique de la “France profonde.” Chaque rencontre avec des artisans et des locaux devient une opportunité de réfléchir sur l’identité et la tolérance. Sékou résume cette expérience en déclarant : “Ces artisans que j’ai rencontrés à travers la France m’ont appris à être fier de qui je suis.” Cette affirmation souligne l’importance de trouver un équilibre entre fierté de ses racines et ouverture à l’altérité. Cependant, malgré ses moments de légèreté, le film reste ambigu quant à la profondeur de son message : il aborde des questions d’intégration sans toujours éviter certains clichés. Ici et Là-bas, qui sera présenté au Cinéfranco – Festival International du film francophone du 1er au 10 novembre 2024 au Carlton Cinema de Toronto, invite néanmoins le public à une réflexion sur l’intégration dans la société contemporaine, tout en offrant un clin d’œil humoristique à travers des bloopers dans le générique de fin.
Trois Questions sur Un p’tit truc en plus d’Artus:
1. Quel est le concept de base de Un p’tit truc en plus et en quoi se distingue-t-il des comédies classiques?
Dans Un p’tit truc en plus, le réalisateur et humoriste Artus propose un twist original au concept de comédie d’amis en situant l’intrigue dans un cadre peu commun : une colonie de vacances pour personnes ayant une déficience intellectuelle. L’histoire suit deux cambrioleurs de bijoux, un père et son fils, qui trouvent refuge dans ce camp après un braquage. Artus incarne Sylvain, un escroc qui se fait passer pour un des résidents, tandis que son père, interprété par le talentueux Clovis Cornillac, joue le rôle de Lucien, un criminel endurci au surnom paradoxal, “La Fraise.” Ce duo improbable, rappelant les classiques de la comédie comme La Chèvre ou Les Fugitifs, doit naviguer dans leur mission incognito tout en cachant leur véritable identité. Artus parvient à créer une dynamique unique en introduisant ce cadre insolite, ajoutant une dimension inattendue à la traditionnelle comédie d’action.
2. Comment le film traite-t-il l’humour autour des résidents, et en quoi cela risque-t-il d’être controversé?
Un p’tit truc en plus se distingue par un humour qui flirte avec l’auto-dérision et l’irrévérence, tout en tentant de maintenir une dimension humaine. Artus aborde des sujets délicats, notamment en incorporant des personnages avec des handicaps intellectuels, et joue avec les limites de l’humour “politiquement incorrect.” Les personnages usent d’un langage souvent brut, ce qui, dans le contexte de leurs particularités, est présenté comme une honnêteté sans filtre, ajoutant un niveau de comédie surprenant. Cependant, ces choix peuvent susciter la polémique : alors que certains spectateurs pourraient voir cette approche comme de l’inclusion sincère, d’autres pourraient y voir de la moquerie. Une scène particulièrement touchante montre Sylvain réfléchir à sa relation tendue avec son père, amenant le public à se demander s’il fait référence à son personnage ou à la dynamique entre les deux escrocs. Artus réussit un équilibre fragile entre la comédie et le drame, bien que la sensibilité des thèmes abordés pourrait diviser les avis.
3. Quelle est la portée de Un p’tit truc en plus dans le genre de la comédie bienveillante, et qu’apporte-t-il de nouveau?
Un p’tit truc en plus s’inscrit dans le genre de la comédie feel-good en combinant humour léger, arcs de rédemption des personnages, et messages d’acceptation. Ce film dépasse le simple rire pour offrir une expérience cathartique, où les personnages évoluent, se transforment, et trouvent une forme de bonheur. Malgré les terrains délicats que le film explore, il livre une conclusion réconfortante et profondément humaine, qui laisse les spectateurs avec un sourire aux lèvres. Le film risque parfois de frôler des thématiques controversées, mais son aboutissement est chaleureux et encourageant. Comme toute bonne comédie, il clôture sur une note positive, laissant le public diverti et méditatif. Présenté à Cinéfranco – Festival International du film francophone, du 1er au 10 novembre 2024 au Carlton Cinema de Toronto, le film promet d’être un moment de rire et de réflexion pour les festivaliers, même pour ceux qui n’ont jamais vu ce genre d’approche dans la comédie.
Rêver en néon
de Marie-Claire Marcotte
Trois questions sur Rêver en néon de Marie-Claire Marcotte:
1. Quel est le cœur de l’histoire de Rêver en néon et quels sont les enjeux principaux du film ?
Le cœur de Rêver en néon repose sur l’histoire touchante d’une jeune fille de 8 ans qui grandit sans connaître sa mère. Elle vit avec sa grand-mère et son père, mais les raisons derrière l’absence de sa mère, ainsi que le mystère qui entoure son identité, restent floues tout au long du film. Son seul indice est une vieille photo d’une ballerine nommée Geneviève, qui pourrait être la clé de son passé. Le film se concentre principalement sur la quête émotionnelle de cette jeune fille, qui cherche des réponses sur ses origines. Cependant, malgré la nature sensible de l’histoire, les enjeux liés à cette recherche restent parfois sous-développés, laissant le spectateur avec des questions non résolues sur la véritable nature de la quête de la jeune fille et sur les raisons profondes du secret familial.
2. Comment la cinématographie et les choix artistiques influencent-ils la manière dont l’histoire est racontée ?
La cinématographie et le style visuel de Rêver en néon jouent un rôle central dans l’ambiance du film, en particulier avec l’utilisation récurrente d’images néon dans les rêves de la jeune fille. Toutefois, ces choix artistiques n’apportent pas toujours une clarté supplémentaire aux thèmes centraux du film. Au lieu de renforcer l’impact émotionnel ou d’éclaircir les enjeux de la quête de la jeune fille pour retrouver sa mère, ces éléments visuels peuvent parfois nuire à la narration en rendant certains aspects de l’histoire moins compréhensibles. Le symbolisme du néon, bien qu’esthétiquement intéressant, ne parvient pas à ajouter une profondeur significative à l’intrigue, ce qui laisse certains moments du film se perdre dans une approche visuelle qui ne sert pas toujours l’histoire.
3. En quoi Rêver en néon reflète-t-il un projet personnel pour la réalisatrice Marie-Claire Marcotte ?
Ce qui distingue Rêver en néon, malgré ses défauts, c’est la dimension personnelle du projet. Marie-Claire Marcotte, qui est à la fois réalisatrice et scénariste, insuffle un sens d’authenticité à travers une histoire profondément intime. En tant que production franco-ontarienne en deux langues, français et anglais, le film semble être un projet personnel pour Marcotte, et cela se ressent dans la sensibilité de la narration. Cependant, bien que l’histoire soit empreinte d’une sincérité évidente, le film manque d’une dynamique inspirante qui aurait pu le rendre plus percutant. Au final, Rêver en néon est un film sensible qui aborde la quête de la jeune fille avec émotion, mais il ne parvient pas à exploiter pleinement le potentiel inspirant d’une telle histoire. Le film demeure néanmoins une réflexion discrète sur les secrets familiaux et l’identité, faisant ainsi une contribution sincère au cinéma franco-ontarien.
Le film sera présenté à Cinéfranco—Festival International du film francophone du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto et au WIFF—Windsor International Film Festival du 24 octobre au 3 novembre à Windsor.
Dis-moi pourquoi les choses sont si belles
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur Dis-moi pourquoi les choses sont si belles de Lyne Charlebois:
1. Comment le film Dis-moi pourquoi les choses sont si belles explore-t-il la relation entre le désir, la science et la foi ?
Le film de Lyne Charlebois aborde de manière complexe l’intersection entre le désir, la science et la foi, en se concentrant sur la relation fascinante entre Marcelle et le Frère Marie-Victorin, un botaniste réputé des années 1940. Leur passion commune pour la nature et la botanique dépasse rapidement les simples considérations intellectuelles, et une attraction mutuelle, bien que réprimée, commence à émerger. Le film juxtapose cette relation avec des discussions sur la chasteté et la sexualité, explorant des sujets tels que les organes génitaux et les perspectives religieuses sur la pureté, des thèmes particulièrement avant-gardistes pour l’époque. Ce lien entre désir interdit et exploration intellectuelle donne au film une profondeur qui interroge les frontières que nous plaçons entre le corps, la spiritualité et l’intelligence humaine.
2. Pourquoi l’intrigue moderne entre Roxanne et Antoine semble-t-elle moins convaincante que la relation historique entre Marcelle et Conrad ?
Bien que le film présente une sous-intrigue moderne entre Roxanne et Antoine, deux acteurs interprétant les rôles de Marcelle et de Conrad, cette relation ne parvient pas à atteindre la même richesse émotionnelle que celle de leurs personnages historiques. Alors que le film se concentre sur la correspondance réelle entre Marcelle et le Frère Marie-Victorin, qui révèle un dialogue surprenant et intellectuellement avancé sur la botanique, la sexualité et la religion, l’affaire contemporaine entre les deux acteurs apparaît comme une distraction. Elle n’apporte pas de profondeur supplémentaire à l’histoire et semble simplifier l’analyse plus complexe de l’amour platonique et de la chasteté dans la relation historique. De plus, cette intrigue moderne n’arrive qu’en fin de scénario, ce qui réduit son impact et nous pousse à remettre en question sa nécessité dans la structure narrative.
3. En quoi le film reflète-t-il la tradition du cinéma québécois, tout en abordant des thèmes universels ?
Dis-moi pourquoi les choses sont si belles s’inscrit dans une longue tradition du cinéma québécois, qui valorise les paysages pastoraux et la beauté de la nature. Le film de Charlebois capture magnifiquement cette esthétique, en reliant la nature à des questions plus profondes sur l’existence humaine. Au-delà des superbes images de la campagne, le film explore des thèmes universels tels que le désir non consommé, les frontières entre l’amour et la science, ainsi que les contraintes sociales et religieuses qui influencent les relations humaines. Malgré certains défauts dans l’exécution narrative, notamment avec l’intrigue moderne, le film reste un hommage à l’importance de la réflexion intellectuelle et émotionnelle dans les relations. À travers des personnages historiques ayant défié les normes de leur époque, le film ouvre une discussion sur les limites que nous nous imposons dans notre quête de la vérité, de la beauté et de l’amour.
Le film sera présenté à Cinéfranco—Festival International du film francophone du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto et au WIFF—Windsor International Film Festival du 24 octobre au 3 novembre à Windsor.
Nous, les Leroy
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur Nous, les Leroy de Florent Bernard, qui sera présenté lors de Cinéfranco—Festival International du film francophone, se tenant du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto :
1. Quelle est l’intrigue centrale du film Nous, les Leroy et pourquoi est-elle importante ?
Nous, les Leroy raconte l’histoire d’un couple en crise, interprété par José Garcia et Charlotte Gainsbourg, qui décide de passer un dernier week-end ensemble avec leurs enfants avant de décider s’ils vont se séparer. Ce moment de rassemblement familial est une tentative de raviver les souvenirs et les liens qui les unissent. Le film explore les tensions qui surviennent lorsque les parents et les enfants doivent faire face à des émotions non résolues et à des secrets longtemps enfouis. Ce qui rend cette intrigue si touchante, c’est que malgré les conflits, il reste un fort désir de renouer les liens familiaux, ce qui fait écho à de nombreux spectateurs qui ont connu des relations familiales complexes.
2. Quels sont les thèmes principaux abordés dans Nous, les Leroy ?
Le film traite principalement des thèmes de l’amour, de la famille, et de la complexité des relations à long terme. Il met en lumière les tensions émotionnelles qui peuvent surgir lorsque les parents se séparent et que les enfants en subissent les conséquences. L’un des moments clés du film est lorsque le père réalise que pour reconquérir sa femme, il doit également reconstruire sa relation avec leurs enfants, souvent les plus touchés par les conflits parentaux. Ces thèmes de réconciliation et de réévaluation des relations familiales sont au cœur du film, tout en étant explorés à travers un ton à la fois tendre et humoristique.
3. Quel rôle joue la musique dans le film et comment contribue-t-elle à l’histoire ?
La bande sonore dans Nous, les Leroy est bien plus qu’un simple accompagnement. Elle agit comme un personnage à part entière, renforçant les moments émotionnels clés et apportant une dimension nostalgique qui intensifie les expériences des personnages. Par exemple, elle souligne des scènes importantes où les personnages reviennent sur des souvenirs du passé, et ajoute une couche de profondeur émotionnelle qui fait écho à leur parcours intérieur. Grâce à cette bande sonore, le film parvient à créer une atmosphère à la fois mélancolique et chaleureuse, contribuant à rendre les moments de réconciliation et de réflexion encore plus poignants pour le public.
4. Comment la prestation de Charlotte Gainsbourg et les dialogues contribuent-ils à la profondeur émotionnelle du film ?
Charlotte Gainsbourg livre une performance particulièrement émouvante et nuancée dans Nous, les Leroy. Son personnage, la mère, est le cœur émotionnel du film. Les dialogues qu’elle prononce, souvent introspectifs et francs, reflètent à la fois ses frustrations et sa volonté de comprendre et de réconcilier les membres de sa famille. Ses répliques, comme lorsqu’elle exprime que « dès qu’on dit qu’on a des sentiments, on est ‘too much’ dans cette famille », révèlent une lucidité touchante sur la distance émotionnelle qui existe entre elle, son mari, et leurs enfants. Ce sont des moments de vérité, souvent livrés avec une douceur mêlée d’amertume, qui donnent une profondeur unique au film. Gainsbourg incarne cette mère tiraillée entre son désir de partir et son amour pour sa famille, créant une tension dramatique qui maintient le public engagé tout au long du film.
Chasse-Gardée
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur Chasse-Gardée de Frédéric Forestier et Antonin Fourlon, qui sera présenté lors de Cinéfranco—Festival International du film francophone, se tenant du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto :
1. Quelle est la signification du titre Chasse-Gardée et comment se reflète-t-elle dans le film ?
Le titre Chasse-Gardée fait référence à une zone de chasse protégée, mais dans le film, il prend également une signification plus large. Ce n’est pas seulement les terres de chasse qui sont farouchement protégées, mais aussi les valeurs et les traditions d’une petite communauté villageoise. Le film montre comment ces “territoires protégés” symbolisent non seulement l’espace physique, mais aussi les valeurs et l’identité d’un village face à un couple parisien naïf en quête de calme.
2. Comment Chasse-Gardée explore-t-il le choc entre la vie citadine et la vie rurale ?
Le film met en scène un jeune couple parisien qui rêve d’une retraite paisible à la campagne, mais découvre que leur nouvelle maison est située au cœur d’une réserve de chasse, jalousement protégée par la communauté locale. Ce choc entre leurs attentes romantiques et la réalité rurale, ancrée dans des traditions excentriques, devient le point de départ d’une série de confrontations humoristiques. La comédie explore avec légèreté ce décalage entre la vision idéalisée de la campagne et les réalités souvent absentes de ces fantasmes citadins.
3. Quels sont les thèmes centraux du film, et comment sont-ils abordés ?
Chasse-Gardée traite de la famille, de l’amitié et des valeurs, des thèmes abordés avec humour et douceur. Bien que l’intrigue ne réserve pas de grandes surprises, elle offre une expérience conviviale et chaleureuse, où les spectateurs sont assurés de repartir avec le sourire. Les absurdités et clichés sont nombreux, mais le film les présente avec charme, créant ainsi une atmosphère légère et plaisante pour un public familial.
Cinq questions sur N’avoue jamais d’Ivan Calbérac, qui sera présenté lors de Cinéfranco—Festival International du film francophone, se tenant du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto :
1. Comment le secret révélé au début du film bouleverse-t-il la dynamique du mariage et les valeurs du général ?
Le conflit du film est déclenché par la révélation d’un secret longtemps caché : l’infidélité de la femme, interprétée par Sabine Azéma, il y a 40 ans, lors d’une brève aventure à Nice. Ce secret bouleverse profondément l’équilibre du mariage, car le mari, joué par André Dussollier, un général retraité sévère, est enraciné dans des valeurs rigides de loyauté et d’honneur, cette trahison n’est pas seulement une affaire personnelle. Elle met en péril tout son système de croyances, où le devoir et la loyauté sont sacrés. Le fait que l’infidélité ait impliqué son meilleur ami aggrave encore cette situation, qu’il perçoit comme une trahison à la fois personnelle et sociale. Ce moment révèle ainsi la tension entre les idéaux rigides du général et la réalité complexe des relations humaines, où amour, erreurs et le passage du temps s’entremêlent.
2. Comment le film propose-t-il différentes perspectives sur l’infidélité ?
Le film explore l’infidélité à travers des perspectives opposées. Pour le général, l’infidélité de sa femme est une trahison impardonnable qui viole ses valeurs de devoir et d’honneur. En revanche, pour sa femme, l’infidélité fait partie des complexités humaines et de l’ennui dans leur relation de longue durée. Le film laisse cette question ouverte, permettant aux spectateurs de réfléchir à leurs propres interprétations de la fidélité.
3. Comment le film utilise-t-il la relation entre le père et ses enfants pour enrichir son thème central ?
Le film utilise la relation entre le général et ses enfants pour illustrer les effets de son absence émotionnelle et de son autorité rigide. Ce thème est particulièrement mis en lumière lors de la pièce de théâtre jouée par leur fils, qui reflète de manière symbolique la négligence que lui et ses frères et sœurs ont subie de la part de leur père. Ce moment poignant montre comment la sévérité et le manque de connexion du général ont façonné la vie émotionnelle de ses enfants. Cette relation familiale tendue sert de miroir aux thèmes plus larges du film, notamment la rigidité du général dans ses convictions et son incapacité à comprendre les complexités émotionnelles de sa famille. À travers cette dynamique, N’avoue jamais dévoile non seulement les effets d’une infidélité passée, mais aussi les conséquences à long terme de la rigidité et de l’autoritarisme sur les générations futures.
4. Quel rôle joue la critique des valeurs patriarcales dans N’avoue jamais, et comment cette critique est-elle présentée de manière subtile ?
N’avoue jamais critique subtilement les valeurs patriarcales à travers la figure du général, qui incarne un patriarcat rigide et dépassé. Son incapacité à accepter la moindre faille ou à s’adapter aux réalités changeantes de la vie moderne devient une métaphore des dangers de s’accrocher à un passé inflexible. La société qu’il représente, où l’honneur et la fidélité sont des valeurs sacrées, est progressivement montrée comme inadéquate face aux réalités plus nuancées de l’amour et de la vie en famille. Le film montre que cette rigidité n’est pas seulement une question personnelle mais une question de société, car le général devient de plus en plus déconnecté de son entourage et de ceux qu’il aime. Cette critique est d’autant plus poignante qu’elle est livrée à travers des moments d’humour et de légèreté, rendant le film à la fois divertissant et profond. Le décalage entre les valeurs d’hier et les réalités d’aujourd’hui est au cœur du conflit, et le film montre comment cette obstination à maintenir l’ordre patriarcal finit par éloigner ceux qui comptent le plus pour le général.
5. Qu’est-ce que la scène finale apporte à l’histoire ?
La scène finale du film apporte une touche d’humour à l’histoire avec une blague parfaitement synchronisée qui conclut le film. Bien que cette note humoristique semble légère, elle fait également écho aux tensions plus profondes et non résolues qui traversent l’intrigue, ajoutant une dimension douce-amère à la conclusion.
Quattre questions sur le film Rosalie de Stephanie Di Giusto, qui sera présenté lors de Cinéfranco—Festival International du film francophone, se tenant du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto.
1. En quoi Rosalie reflète-t-il les problématiques contemporaines liées à la différence et à l’acceptation dans la société ?
Rosalie aborde avec sensibilité la question de l’acceptation des différences, en particulier dans une société patriarcale qui accorde peu de place à ce qui sort de la norme. Le personnage de Rosalie, avec ses traits masculins, devient une source de perturbation pour ceux qui l’entourent, et le film met en lumière la manière dont cette différence est perçue comme une menace pour l’ordre social. À travers le personnage de Rosalie, le film reflète la peur de l’inconnu et l’intolérance face à la diversité.
2. Comment Nadia Tereszkiewicz incarne-t-elle Rosalie, et quelle est l’importance de sa performance dans le film ?
Nadia Tereszkiewicz livre une performance remarquable, incarnant Rosalie avec une douceur et une candeur qui contrastent avec son apparence extérieure masculine. Ce contraste enrichit la profondeur émotionnelle du personnage et souligne la lutte de Rosalie pour être acceptée dans un monde qui ne veut pas d’elle. La subtilité de son jeu contribue à faire de Rosalie un film profondément émouvant.
3. Comment Stéphanie Di Giusto utilise-t-elle la mise en scène pour renforcer les thèmes du film ?
Di Giusto adopte une mise en scène classique et maîtrisée, jouant avec les ombres et les lumières pour refléter le conflit intérieur de Rosalie entre ses deux mondes. Les tons doux de la photographie créent une ambiance qui souligne la subtilité des émotions et des interactions entre les personnages. Cette réalisation soignée permet au film d’explorer ses thèmes de manière nuancée, sans jamais tomber dans l’excès.
4. Quelles sont les thématiques principales de Rosalie, et comment le film traite-t-il la sexualité et la répression dans une société patriarcale ?
Rosalie place la sexualité au centre de son récit, en explorant la répression du mari de Rosalie et les désirs interdits de cette dernière. Le film montre comment la condition physique de Rosalie perturbe la société, en particulier parmi les hommes qui l’entourent. La répression et l’intolérance face à la différence sont omniprésentes, et le film montre avec sensibilité comment Rosalie devient le centre de toutes les projections sociales de rejet et de désir.
Et la fête continue!
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur le film Et la fête continue! de Robert Guédiguian, qui sera présenté lors de Cinéfranco—Festival International du film francophone, se tenant du 1er au 10 novembre 2024 au cinéma Carlton de Toronto.
1. Quelle est la thématique centrale du film Et la fête continue! de Robert Guédiguian ?
Le film s’inscrit dans la lignée de ses œuvres consacrées à la classe ouvrière de Marseille. Cependant, il prend ici une tournure plus politique, avec Rosa, l’héroïne interprétée par Ariane Ascaride, qui se lance dans la campagne municipale. Son frère, Antonio, incarne le dernier des communistes dans une ville où les idéaux politiques semblent s’éteindre. Le film tisse habilement les récits personnels et politiques, montrant comment le passé influence le présent dans un contexte de désillusion politique.
2. Comment Robert Guédiguian utilise-t-il Marseille et son histoire dans le film ?
Marseille est un personnage à part entière dans Et la fête continue!. Le film souligne les racines arméniennes de la ville, mettant en lumière la contribution de cette communauté à la fondation de Marseille. Homère, un personnage aveugle mais non sourd, symbolise la voix des Marseillais qui refusent de se taire face aux injustices. Guédiguian dépeint un Marseille à la fois fragile et résilient, où les habitants luttent pour la justice, notamment à travers une scène poignante inspirée d’un effondrement d’immeuble, où la communauté réclame des comptes pour ses morts.
3. Quelles émotions ressortent du film et quelle est sa portée politique ?
Et la fête continue! est un véritable cri de désespoir face aux idéaux politiques perdus et aux promesses non tenues. Si le film conserve la chaleur et le sens de la communauté caractéristiques du cinéma de Guédiguian, il est aussi empreint d’une grande déception. Le film, tout en explorant la solidarité et la lutte, laisse entrevoir une certaine mélancolie face à un paysage politique désillusionné. Guédiguian nous rappelle néanmoins qu’il n’est jamais trop tard pour se battre pour ses rêves et pour sa communauté.
Joker: Folie à Deux
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Cinq questions sur le film Joker: Folie à Deux de Todd Phillips :
1. Comment Todd Phillips amplifie-t-il le charisme du Joker dans Joker: Folie à Deux ?
Dans Joker: Folie à Deux, Todd Phillips pousse le charisme du personnage à son point de rupture, en faisant de cette force magnétique le cœur de l’identité du Joker. Ce charisme, déjà présent dans Joker (2019), devient ici intimement lié à la notion de fantaisie. Le film ne se contente pas de prolonger les thèmes de chaos et de terreur, mais explore plus en profondeur comment cette force façonne l’existence du Joker en tant que super-vilain, tout en questionnant et en élargissant son rôle dans l’histoire.
2. Comment le film remet-il en question les codes traditionnels des films de super-héros ?
Joker: Folie à Deux déconstruit la narration classique des super-héros en brouillant les frontières entre héroïsme et vilenie, entre santé mentale et folie. Todd Phillips remet en cause les éléments fantastiques qui ont longtemps défini ce genre. Ici, la fantaisie devient une force destructrice, plutôt qu’un élément héroïque, soulevant ainsi la question de la pertinence des films de super-héros dans le paysage cinématographique moderne.
3. Quel rôle joue la musique dans ce film ?
La musique, un élément inattendu dans ce type de film, joue un rôle central dans Joker: Folie à Deux, rendant la présence de Lady Gaga d’autant plus significative. La dimension musicale apporte une couche surréaliste et fantastique à une narration déjà chaotique. Ce contraste entre la fantaisie musicale et la folie d’Arthur Fleck permet d’exprimer la violence et le meurtre d’une manière unique. Cette dualité renforce l’impact émotionnel du film et fait de la musique un lieu d’expression de la folie.
4. Comment la violence est-elle traitée dans Joker: Folie à Deux par rapport au premier film ?
Contrairement à Joker (2019), où la violence était brute et explicite, Joker: Folie à Deux aborde la violence de manière plus subtile. Le film semble presque commenter et critiquer son prédécesseur, en distillant la violence de manière psychologique plutôt que réaliste. Cette approche plus raffinée incite les spectateurs à s’interroger non seulement sur la violence, mais aussi sur la façon dont elle est représentée au cinéma, créant ainsi une expérience plus déroutante et introspective.
5. La fin du film laisse-t-elle une impression durable sur le public ?
Oui, la fin du film est saisissante et imprévisible. Très peu de spectateurs ont applaudi après la projection, non pas à cause d’un manque d’appréciation, mais parce qu’ils étaient profondément choqués par la conclusion. Cette fin, inattendue, soulève des questions sur la nature de la violence dans le cinéma et sur le personnage de Joker lui-même. Elle remet également en question l’avenir des films de super-héros tels que nous les connaissons, suggérant peut-être une transition vers des récits plus sombres et désenchantés.
Dans le cadre d’aluCine festival de films latino-américain qui va se realiser à Toronto entre le 16-19 Octobre, le documentaire Seguridad de la réalisatrice canado-cubaine Tamara Segura explore les thèmes de l’exil, de la mémoire et de la figure paternelle.
Trois questions sur Seguridad de Tamara Segura :
1. Comment le film Seguridad s’inscrit-il dans la tradition des films diasporiques canadiens à la première personne ?
Dans la tradition des films diasporiques canadiens à la première personne, les réalisateurs explorent souvent leurs expériences d’exil et d’identité fragmentée, partagées entre leur pays d’origine et leur pays d’adoption. Pour ces cinéastes, le cinéma devient un espace d’introspection, un moyen de poser des questions difficiles et de revisiter le passé à la recherche de sens. Seguridad, un documentaire profondément personnel de la réalisatrice canado-cubaine Tamara Segura, s’inscrit parfaitement dans cette tradition. Segura, venue à Montréal pour étudier le cinéma, aborde ici un autre thème majeur du cinéma québécois : la figure paternelle.
Produit par l’Office national du film du Canada (ONF), Seguridad sera présenté au aluCine Latin Film+Media Arts Festival du 16 au 19 octobre 2024, offrant ainsi au public de Toronto une exploration poignante de l’identité et des liens familiaux.
2. Quels sont les principaux thèmes abordés par Tamara Segura dans Seguridad ?
Dans Seguridad, plusieurs figures paternelles dominent le récit de Segura, et elle exprime une profonde colère et déception envers toutes ces figures — que ce soit son père biologique, Jorge Segura, ou le père révolutionnaire, Fidel Castro. Ces griefs personnels s’étendent à son pays natal, Cuba. Le film dévoile une danse complexe d’amour et de ressentiment qui pousse Segura à traverser les frontières à nouveau, cette fois en sens inverse, alors qu’elle revisite l’histoire de sa famille intimement liée à celle de Cuba.
Née le jour anniversaire de la révolution de Fidel Castro, Segura a été symboliquement nommée la plus jeune soldate révolutionnaire de Cuba, un fardeau imposé par le poids de l’histoire. Le film, entièrement en espagnol, est profondément intime malgré le fait que le Canada soit son point d’ancrage géographique.
3. Qu’est-ce qui fait de Seguridad une œuvre cinématographique marquante, et quelles en sont les failles narratives ?
Le voyage de Segura à Cuba l’amène à revisiter les lieux les plus marquants de son histoire et de celle de son père, retraçant les moments décisifs qui ont marqué tous les Cubains. Cependant, les moments les plus puissants du film ne sont pas centrés sur l’histoire de la révolution ou ses questions sur ses pères, mais sur les moments intimes qu’elle partage avec sa grand-mère. Ces interactions, empreintes d’un profond sens de la vie quotidienne — un thème indéniablement canadien dans son exécution — sont tellement personnelles et brutes que l’on oublie parfois que l’on regarde un film.
Le film présente néanmoins une faille narrative. Au début, il suggère que l’alcoolisme est à l’origine de la chute de son père. Pourtant, vers la fin, une grande révélation établit un lien plus étroit entre les difficultés de son père et la révolution cubaine. Ce moment crucial, cependant, est mal expliqué et brièvement narré par un ami de son père, dont la voix et le ton rendent la compréhension difficile. Bien que la réalisatrice admette sa propre difficulté à comprendre cette révélation, le moment semble sous-développé et aurait pu être mieux exploité tout au long du récit.
Avec son portrait nuancé de l’exil, de la mémoire et de l’identité, Seguridad est une contribution précieuse au cinéma canadien et latino-américain, et une pièce essentielle dans le dialogue continu sur les récits diasporiques.
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Cinq questions sur The Substance de Coralie Farget :
- 1. Sur quoi porte le film The Substance, qui a remporté le prix du public dans la section des films d’horreur au dernier TIFF ?
Le film raconte l’histoire d’une ancienne vedette de la télévision devenue star des vidéos d’aérobic, dans la lignée de celles que Jane Fonda réalisait dans les années 80. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que le rôle principal est interprété par Demi Moore, une autre icône de cette époque, mais plus jeune que Jane Fonda.
Le personnage principal, Elizabeth Sparkle, décide de recourir à un service mystérieux qui lui promet de retrouver sa jeunesse d’autrefois. Le “hic”, cependant, est que cet effet ne dure qu’une semaine sur deux. Ainsi, pendant une semaine, elle vit dans une version plus jeune d’elle-même, tandis que la semaine suivante, elle redevient sa version actuelle. Le film aborde cette transformation à travers le prisme du cinéma d’horreur, avec des scènes particulièrement sanglantes, explicites et sans filtre, notamment en ce qui concerne le corps nu des deux versions d’Elizabeth.
- 2. Qu’apporte le genre du cinéma d’horreur ? Pourquoi les gens sont-ils aussi fascinés par cette violence à l’écran ?
L’horreur, au-delà de l’escapisme, inclut souvent une forme de violence qui, parfois, relève du pur théâtre. Les spectateurs ne cherchent pas seulement une distraction à travers cette violence, mais aussi une transformation. Ce type de violence, plus esthétique que réaliste, tente d’imposer un ordre dans le chaos. Ce public, par exemple, peut ne pas être capable d’affronter la réalité ou les drames réalistes de manière directe, car il reste souvent dans un état de déni.
L’un des aspects fascinants du cinéma d’horreur est qu’il permet d’aborder des thèmes dramatiques et profonds sous un autre biais, plus indirect, mais tout aussi percutant. Il traite des sujets tels que la peur de la mort, la perte de contrôle ou les conflits intérieurs, mais en les présentant dans un cadre imaginaire où les angoisses deviennent des monstres ou des menaces surnaturelles. Ce détour par le fantastique permet aux spectateurs de réfléchir à ces thèmes sans la lourdeur immédiate d’un drame réaliste.
Lorsque l’on parle de peur de la réalité, cela renvoie en fait à la peur de la mort et de la finitude humaine, qui est précisément le thème central de ce film. L’horreur permet de confronter ces angoisses profondes dans un cadre contrôlé, tout en offrant une catharsis émotionnelle, ce qui peut être plus efficace pour transmettre certains messages.
- 3. Comment la mise en scène et la réalisation contribuent-elles à l’impact visuel du film ?
Dès les premières images, le film impressionne par sa mise en scène soignée et son usage audacieux de l’espace urbain, notamment à travers des personnages en errance dans la rue. Le cadre est saturé de symboles de la culture populaire des années 80, avec des références visuelles marquantes, comme l’étoile d’Hollywood sur le trottoir qui reflète l’illusion du succès et du glamour. Ce n’est pas seulement le scénario, lauréat du prix de scénario à Cannes, qui marque les esprits, mais aussi la réalisation.
La caméra, agile et fluide, capte des plans rapprochés, parfois dérangeants, qui intensifient l’atmosphère oppressante et intime du film. Ces choix de mise en scène confèrent au film une dimension sensorielle, où chaque détail visuel amplifie l’impact émotionnel, rendant l’expérience plus immersive. De plus, la salle de bain blanche et minimaliste devient un espace central, rappelant les décors froids et épurés de Kubrick, renforçant l’idée d’une esthétique contrôlée et réfléchie.
- 4. Quels sont les thèmes principaux abordés dans le film, et comment sont-ils explorés à travers les personnages et la caméra ?
Le film, situé dans les années 80, aborde des thèmes universels tels que l’idéal de beauté, l’éternité et le vieillissement. À travers une caméra qui explore le corps féminin de manière provocante – ce qui ne serait probablement pas accepté aujourd’hui sans une approche thématique aussi réfléchie – il critique les normes esthétiques et la quête éternelle de la jeunesse. Les plans rapprochés des corps, notamment dans les costumes d’aérobic, soulignent cette obsession de la perfection physique.
Cependant, ce qui distingue ce film, c’est son point de vue féminin. Réalisé par une femme et centré sur des personnages féminins, il montre les hommes sous un angle critique, soit comme des figures arrogantes, soit comme des vieillards pervers.
Une scène emblématique montre un homme qui voit du sang par terre et conclut qu’il s’agit de “Lady business”, une référence désinvolte à la menstruation. Le film explore également la colère et la frustration des femmes face au vieillissement, un conflit intérieur qui prend la forme d’un monstre – un double d’elles-mêmes – incarnant leur propre peur de vieillir.
- 5. En quoi le film fait-il référence à d’autres œuvres cinématographiques, et comment ces influences renforcent-elles son message social ?
Le film est truffé de références à des œuvres cinématographiques majeures, qui renforcent son discours critique sur la société. Par exemple, la musique rappelle celle de Vertigo d’Hitchcock, amplifiant l’atmosphère de tension psychologique. De plus, les influences de Kubrick sont omniprésentes, notamment dans les allusions à The Shining et 2001 : L’Odyssée de l’espace, qui ajoutent une profondeur visuelle et thématique au film.
Les scènes de rage, notamment les moments où le public est enragé contre le monstre, évoquent la fureur destructrice de Carrie de Brian De Palma. Ce parallèle met en lumière la façon dont le film utilise l’horreur pour critiquer la société, en particulier les pressions imposées sur les femmes pour qu’elles conservent une beauté et une jeunesse éternelles. En somme, le film est un commentaire social puissant, dénonçant non seulement l’obsession pour la perfection physique, mais aussi la consommation alimentaire démesurée, illustrée par des scènes où la nourriture devient dégoûtante et répugnante.
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Trois questions sur Russians at War de Anastasia Trofimova:
- 1. Russians at War est-il un film de propagande ?
Non, car il n’y a pas d’idéologie claire promue dans le film. Les déclarations des soldats sont confuses et contradictoires. Ils sont perdus, découragés, et n’ont pas de définition précise de la guerre ni des raisons pour lesquelles ils se battent. La plupart disent quelque chose comme : « Je suis un ordre ; c’est moi ou eux. »
L’histoire des deux pays dépasse la simple géopolitique : elle touche à des cultures et des familles déchirées et divisées à cause d’une décision politique qui a ignoré les nombreux traits communs entre ces peuples.
Dans le documentaire, Russians at War, il est parfois difficile de déterminer le sujet d’une interview ou à quoi une déclaration se réfère précisément.
Il y a eu un ordre d’envahir, et ils l’ont exécuté. Certains ne savent même pas si c’est bien ou mal : « C’est moi ou eux. Nous avons un peu tort, et eux aussi. Nous nous battons, c’est tout. »
Dans certaines séquences, les soldats russes semblent aider les Ukrainiens locaux, et certains de ces Ukrainiens soutiennent la Russie parce qu’ils ont été élevés dans la croyance que les dirigeants et les valeurs russes faisaient partie intégrante de leur identité.
Qui a besoin de cette guerre ?” demande l’épouse d’un soldat russe mort : “Personne… ni aucune épouse, mère ou enfant. Que toute la Russie le sache grâce à ce documentaire.”
La documentariste déclare à propos :
Des soldats : “Ils n’étaient ni surhumains ni maléfiques.”
De la guerre : “La machine de guerre a entraîné beaucoup de gens au front, exploitant leur sens du patriotisme, de l’amitié et de la compassion. Mais les véritables objectifs de cette guerre restent encore flous pour moi.”
« 90 % de la guerre, ce ne sont que des mensonges, » dit une soldate médecin enceinte. « Il y a quelqu’un qui gagne de l’argent avec tout ça. Comment pourrais-je expliquer cela à mon enfant qui va naître ? »
- 2. Quelles sont les erreurs de la réalisatrice ?
Posicionalité: « Je suis Russe. Mes co-cytoyens… », dit la documentariste… Le Canada n’est pas mentionné du tout dans l’introduction du film.
Propos: La proposition du film n’est pas très bien définie. La réalisatrice se présente comme étant russe (sans mentionner le Canada) et explique qu’elle a été poussée à faire ce film après avoir rencontré un Ukrainien qui a décidé de se battre pour la Russie. Une explication qu’elle n’a pas compris. Cependant, cet élément n’est pas représentatif du film. Le film ne traite pas spécifiquement d’Ukrainiens combattant pour la Russie.
Un soldat demande: De quoi parle ce film ? Un autre soldat répond : de nous… de la “Pravda” (vérité)… et non de ce que l’on voit à la télévision.
- 3. Pourquoi ce film mérite-t-il d’être réalisé et vu au Canada aujourd’hui ?
Nous vivons dans une démocratie où montrer les deux côtés d’une question et permettre aux citoyens de décider est un droit fondamental.
Les Canadiens ont le droit d’entendre les deux points de vue, même si cela relève parfois de la propagande. Mais, dans ce cas précis, il semble que le film ne corresponde pas vraiment à une œuvre de propagande, car il ne défend ni ne présente une idéologie claire et homogène.
Nous ne vivons pas dans une dictature, contrairement à ce que certains Ukrainiens voudraient nous faire croire en empêchant les Canadiens d’accéder à un film produit par le gouvernement canadien, le même gouvernement qui finance également la guerre en Ukraine.
Personnellement, je préférerais que le gouvernement canadien encourage un dialogue entre ces deux pays, plutôt que de leur fournir de l’argent pour prolonger le conflit et entraîner encore plus de morts.
Les Russes sont très sophistiqués en matière de propagande… a déclaré un responsable ukrainien ici au Canada. Cependant, ce film n’est pas russe, il est franco-canadien. Est-ce à dire que des institutions canadiennes comme TVO et Ontario Creates ont été naïves en produisant ce film, ignorant qu’elles faisaient de la propagande pour la Russie ? Je ne crois pas.
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Trois questions sur I’m Still Here de Walter Salles
- 1. Quel est le sujet principal du film I’m Still Here de Walter Salles et quel aspect humain et politique aborde-t-il ?
Le film raconte l’histoire du député brésilien Rubens Paiva, un fervent opposant à la dictature militaire qui a sévi au Brésil dans les années 60 et 70. Figure emblématique de la résistance politique, Rubens Paiva a été enlevé de son domicile à Rio de Janeiro par des agents du gouvernement, sous le prétexte qu’il devait donner une simple “déposition” aux autorités. À partir de ce jour, il a disparu sans laisser de traces. Adapté des mémoires de son fils, Marcelo Rubens Paiva, ce drame politique bouleversant est magistralement réalisé par Walter Salles, connu pour ses œuvres Carnets de voyage et Central do Brasil.
Le film adopte le point de vue intime de la femme de Rubens, Eunice, brillamment interprétée par Fernanda Torres et Fernanda Montenegro (nominé aux Oscars pour Central do Brasil). Pendant des décennies, Eunice se bat sans relâche pour découvrir la vérité sur le sort de son mari, refusant de céder à la peur et à la répression. Cette quête personnelle et douloureuse met en lumière les ravages causés par la dictature, non seulement sur les dissidents politiques, mais aussi sur leurs familles, plongées dans le deuil et l’incertitude.
- 2. En quoi le film I’m Still Here de Walter Salles est-il pertinent dans le contexte politique mondial actuel ?
I’m Still Here vient de remporter le prix du meilleur scénario au Festival de Venise, saluant ainsi la qualité de l’écriture qui parvient à capturer à la fois la dimension politique et humaine de cette tragédie. Inspiré d’une histoire vraie, ce film est bien plus qu’un simple témoignage historique ; il résonne profondément avec les enjeux politiques contemporains. À travers la figure de Rubens Paiva, le film incarne la lutte contre l’oppression et la quête infatigable de justice, thèmes universels qui trouvent un écho particulier dans le contexte mondial actuel. Ce film rappelle non seulement les horreurs des dictatures qui ont marqué les années 60 et 70, mais il se dresse également comme un avertissement face à la montée des extrémismes de droite que nous observons aujourd’hui, que ce soit en Europe, au Brésil ou aux États-Unis. En exposant les conséquences de l’oppression et de la violence étatique, I’m Still Here invite le spectateur à réfléchir sur les menaces actuelles à la démocratie et à la liberté individuelle. C’est un film puissant qui transcende son époque et offre une réflexion nécessaire sur les défis politiques de notre temps.
- 3. Quel est votre avis global sur le film, tant sur le plan artistique que cinématographique ?
Avec une équipe aussi talentueuse, il ne pouvait en être autrement : le film est très réussi. Cependant, en tant que passionné de cinéma, je dois dire que je l’ai trouvé un peu “conventionnel”. Il suit une narration chronologique avec un arc narratif solide, mais sans véritable innovation. Visuellement et émotionnellement, il est magnifique, que ce soit pour l’histoire, les performances des acteurs, la reconstitution de l’époque ou la qualité de la réalisation. Toutefois, du point de vue de la mise en scène, il n’y a pas eu de grande surprise. Ne vous attendez donc pas à un effet “wow”. En résumé, j’ai beaucoup apprécié le film, surtout pour son importance historique, mais je pense qu’il aurait pu prendre plus de risques sur le plan cinématographique.
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Trois Questions sur Dream Machines:
Battlescar by Nico Casavecchia, avec Rosario Dawson
Empereur by Marion Burger and Ilan J. Cohen, avec Olivia Cooke (House of Dragons)
Gloomy Eyes by Fernando Maldonado and Jorge Tereso, avec Colin Farrell
Missing Pictures: Naomi Kawase by Clément Deneux
- 1. Pourquoi la sélection de films immersifs a-t-elle attiré votre attention ?
Dream Machines est une sélection de films en réalité virtuelle organisée par le Consulat de France, présentée cette année au Festival de Cannes. Bien que le TIFF n’ait pas inclus de films immersifs dans sa sélection, cette tendance est de plus en plus répandue dans les festivals de cinéma, qui intègrent désormais de nouveaux formats dans leurs programmations, qu’il s’agisse d’œuvres interactives, de réalité virtuelle ou augmentée, et bien d’autres encore. En tant qu’éditeur d’une revue académique et organisateur de la conférence annuelle en ligne Interactive Film & Media Journal and Conference, je suis particulièrement enthousiaste à l’idée de partager cette nouvelle forme de narration, qui ouvre des perspectives passionnantes pour le futur du cinéma.
- 2. Mais qu’est-ce qu’un film immersif, et en quoi se distingue-t-il des autres formes de cinéma ?
Les films immersifs offrent une connexion plus profonde avec l’histoire et les personnages, rendant l’expérience à la fois plus intime et engageante. Prenons l’exemple d’Empereur, réalisé par Marion Burger et Ilan J. Cohen, avec la voix d’Olivia Cooke (vue dans House of Dragons). Ce film est interactif, permettant à l’audience de participer activement à l’histoire et de ressentir les sensations du personnage principal. Le point de vue est subjectif, celui d’un père devenu aphasique, ce qui plonge le spectateur dans une expérience sensorielle unique. Dans un style visuel monochrome, inspiré par l’animation traditionnelle, cette histoire intime prend la forme d’un périple aux accents surréalistes. Elle invite à explorer l’aphasie comme un territoire lointain, une métaphore puissante de la perte de communication et de l’isolement. À travers des effets tels que la confusion du langage et l’incapacité à exprimer clairement des pensées, le film parvient à immerger l’audience dans la frustration de l’aphasie. Cette approche permet ainsi de mieux comprendre la complexité de cette condition en offrant une expérience émotionnelle et visuelle inédite.
- 3. Quelle forme de film est la plus explorée dans les films interactifs?
Le documentaire est la forme cinématographique la plus explorée dans les films interactifs, davantage que la fiction, qui domine plutôt le domaine de la réalité virtuelle. Missing Pictures : Naomi Kawase de Clément Deneux fait partie de cette sélection et se qualifie comme un documentaire, bien que la majeure partie du film soit constituée d’une animation fictive. Le film immerge le spectateur dans un projet que la cinéaste japonaise Naomi Kawase n’a jamais pu réaliser. À travers le personnage d’Aya, une jeune femme romantique et en surpoids, Kawase explore un genre inhabituel pour elle : la comédie, très éloignée de son style poétique et naturaliste. L’introduction du film, où l’on voit la réalisatrice de près partager ses pensées, est cependant particulièrement impressionnante et intime, créant une connexion directe et émotive entre le spectateur et la cinéaste.
Chronique Cinéma avec Hudson Moura: TIFF24 et Kinds of Kindness
Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada
Trois questions sur Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos
- 1. De quoi parle Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos ?
Kinds of Kindness est une fable en triptyque réalisée par Yorgos Lanthimos. Le film suit trois récits distincts : un homme qui tente de reprendre le contrôle de sa vie, un policier perturbé par le retour mystérieux de sa femme disparue, et une femme cherchant une personne dotée de pouvoirs spirituels exceptionnels. Chaque histoire explore les thèmes du pouvoir, du contrôle et du libre arbitre, et interroge la dynamique des relations humaines dans un monde à la fois réaliste et surréaliste.
- 2. Qu’est-ce qui distingue Kinds of Kindness des autres œuvres de Yorgos Lanthimos ?
Kinds of Kindness se démarque par sa structure anthologique, un format que Lanthimos a voulu expérimental et stimulant pour le spectateur. Contrairement à ses films précédents comme Canine ou La Mise à mort du cerf sacré, qui suivaient un seul récit, ce film présente trois histoires distinctes mais thématiquement liées. Le réalisateur souhaitait que chaque segment se nourrisse des thèmes abordés précédemment, rendant l’ensemble plus complexe. De plus, Lanthimos renoue avec un style visuel plus simple, tourné en extérieur avec des éclairages naturels, ce qui contraste avec ses œuvres récentes, plus sophistiquées en termes de décors.
- 3. Pourquoi Kinds of Kindness est-il important dans le paysage cinématographique actuel ?
Kinds of Kindness s’inscrit dans une tradition de cinéma d’auteur qui interroge la condition humaine à travers des récits non linéaires et troublants. Ce film, qui a valu à Jesse Plemons le Prix d’Interprétation Masculine à Cannes, incarne parfaitement l’audace de Lanthimos dans sa manière de traiter des thèmes universels tels que le pouvoir et la foi, mais avec une touche de noirceur et d’ironie. En jouant avec les codes du cinéma et en offrant une réflexion sur la dynamique des relations humaines, le film propose une expérience cinématographique riche et unique, marquant ainsi un tournant dans le travail de Lanthimos. Disponible sur les plateformes de streaming, il invite un large public à une réflexion profonde sur la complexité des comportements humains.