Pour la saison 2024/25, j’ai le plaisir d’être chroniqueur cinéma pour Dans la Mosaïque sur Ici Première de Radio-Canada Toronto. L’émission est animée par Myriam Eddahia et produite par Ramin Pezeshki. Un vendredi sur deux à 17h30, je parle des films les plus marquants de la saison, des blockbusters aux pépites indépendantes. Ma chronique couvre divers genres, mettant en lumière des œuvres qui suscitent des débats, explorent des thèmes actuels ou proposent des perspectives innovantes. Que vous soyez amateur de films populaires ou de productions plus confidentielles, cette chronique vous offre un panorama varié du meilleur du cinéma.

For the 2024/25 season, I’m pleased to be a film critic for Dans la Mosaïque on Ici Première, Radio-Canada Toronto. The show is hosted by Myriam Eddahia and produced by Ramin Pezeshki. Every other Friday at 5:30 p.m., I discuss the most noteworthy films, from blockbusters to indie gems. My segment covers a range of genres, highlighting works that spark discussion, explore current themes, or offer innovative perspectives. Whether you’re into popular films or more niche productions, this French-language segment provides a diverse look at the best in cinema.


Et la fête continue! de Robert Guédiguian

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Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada

Trois questions sur le film Et la fête continue! de Robert Guédiguian, qui sera présenté au festival CinéFranco du 1er au 10 novembre :
  1. Quelle est la thématique centrale du film Et la fête continue! de Robert Guédiguian ? Le film s’inscrit dans la lignée de ses œuvres consacrées à la classe ouvrière de Marseille. Cependant, il prend ici une tournure plus politique, avec Rosa, l’héroïne interprétée par Ariane Ascaride, qui se lance dans la campagne municipale. Son frère, Antonio, incarne le dernier des communistes dans une ville où les idéaux politiques semblent s’éteindre. Le film tisse habilement les récits personnels et politiques, montrant comment le passé influence le présent dans un contexte de désillusion politique.
  2. Comment Robert Guédiguian utilise-t-il Marseille et son histoire dans le film ? Marseille est un personnage à part entière dans Et la fête continue!. Le film souligne les racines arméniennes de la ville, mettant en lumière la contribution de cette communauté à la fondation de Marseille. Homère, un personnage aveugle mais non sourd, symbolise la voix des Marseillais qui refusent de se taire face aux injustices. Guédiguian dépeint un Marseille à la fois fragile et résilient, où les habitants luttent pour la justice, notamment à travers une scène poignante inspirée d’un effondrement d’immeuble, où la communauté réclame des comptes pour ses morts.
  3. Quelles émotions ressortent du film et quelle est sa portée politique ? Et la fête continue! est un véritable cri de désespoir face aux idéaux politiques perdus et aux promesses non tenues. Si le film conserve la chaleur et le sens de la communauté caractéristiques du cinéma de Guédiguian, il est aussi empreint d’une grande déception. Le film, tout en explorant la solidarité et la lutte, laisse entrevoir une certaine mélancolie face à un paysage politique désillusionné. Guédiguian nous rappelle néanmoins qu’il n’est jamais trop tard pour se battre pour ses rêves et pour sa communauté.

Joker: Folie à Deux de Todd Phillips

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Cinq questions sur le film Joker: Folie à Deux de Todd Phillips :

1. Comment Todd Phillips amplifie-t-il le charisme du Joker dans Joker: Folie à Deux ?

Dans Joker: Folie à Deux, Todd Phillips pousse le charisme du personnage à son point de rupture, en faisant de cette force magnétique le cœur de l’identité du Joker. Ce charisme, déjà présent dans Joker (2019), devient ici intimement lié à la notion de fantaisie. Le film ne se contente pas de prolonger les thèmes de chaos et de terreur, mais explore plus en profondeur comment cette force façonne l’existence du Joker en tant que super-vilain, tout en questionnant et en élargissant son rôle dans l’histoire.

2. Comment le film remet-il en question les codes traditionnels des films de super-héros ?

Joker: Folie à Deux déconstruit la narration classique des super-héros en brouillant les frontières entre héroïsme et vilenie, entre santé mentale et folie. Todd Phillips remet en cause les éléments fantastiques qui ont longtemps défini ce genre. Ici, la fantaisie devient une force destructrice, plutôt qu’un élément héroïque, soulevant ainsi la question de la pertinence des films de super-héros dans le paysage cinématographique moderne.

3. Quel rôle joue la musique dans ce film ?

La musique, un élément inattendu dans ce type de film, joue un rôle central dans Joker: Folie à Deux, rendant la présence de Lady Gaga d’autant plus significative. La dimension musicale apporte une couche surréaliste et fantastique à une narration déjà chaotique. Ce contraste entre la fantaisie musicale et la folie d’Arthur Fleck permet d’exprimer la violence et le meurtre d’une manière unique. Cette dualité renforce l’impact émotionnel du film et fait de la musique un lieu d’expression de la folie.

4. Comment la violence est-elle traitée dans Joker: Folie à Deux par rapport au premier film ?

Contrairement à Joker (2019), où la violence était brute et explicite, Joker: Folie à Deux aborde la violence de manière plus subtile. Le film semble presque commenter et critiquer son prédécesseur, en distillant la violence de manière psychologique plutôt que réaliste. Cette approche plus raffinée incite les spectateurs à s’interroger non seulement sur la violence, mais aussi sur la façon dont elle est représentée au cinéma, créant ainsi une expérience plus déroutante et introspective.

5. La fin du film laisse-t-elle une impression durable sur le public ?

Oui, la fin du film est saisissante et imprévisible. Très peu de spectateurs ont applaudi après la projection, non pas à cause d’un manque d’appréciation, mais parce qu’ils étaient profondément choqués par la conclusion. Cette fin, inattendue, soulève des questions sur la nature de la violence dans le cinéma et sur le personnage de Joker lui-même. Elle remet également en question l’avenir des films de super-héros tels que nous les connaissons, suggérant peut-être une transition vers des récits plus sombres et désenchantés.


Seguridad de Tamara Segura

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Dans le cadre du Festival aluCine festival de films latino-américain qui va se realiser à Toronto entre le 16-19 Octobre, le documentaire Seguridad de la réalisatrice canado-cubaine Tamara Segura explore les thèmes de l’exil, de la mémoire et de la figure paternelle.
Trois questions sur Seguridad de Tamara Segura :
1. Comment le film Seguridad s’inscrit-il dans la tradition des films diasporiques canadiens à la première personne ?

Dans la tradition des films diasporiques canadiens à la première personne, les réalisateurs explorent souvent leurs expériences d’exil et d’identité fragmentée, partagées entre leur pays d’origine et leur pays d’adoption. Pour ces cinéastes, le cinéma devient un espace d’introspection, un moyen de poser des questions difficiles et de revisiter le passé à la recherche de sens. Seguridad, un documentaire profondément personnel de la réalisatrice canado-cubaine Tamara Segura, s’inscrit parfaitement dans cette tradition. Segura, venue à Montréal pour étudier le cinéma, aborde ici un autre thème majeur du cinéma québécois : la figure paternelle.

Produit par l’Office national du film du Canada (ONF), Seguridad sera présenté au aluCine Latin Film+Media Arts Festival du 16 au 19 octobre 2024, offrant ainsi au public de Toronto une exploration poignante de l’identité et des liens familiaux.


2. Quels sont les principaux thèmes abordés par Tamara Segura dans Seguridad ?

Dans Seguridad, plusieurs figures paternelles dominent le récit de Segura, et elle exprime une profonde colère et déception envers toutes ces figures — que ce soit son père biologique, Jorge Segura, ou le père révolutionnaire, Fidel Castro. Ces griefs personnels s’étendent à son pays natal, Cuba. Le film dévoile une danse complexe d’amour et de ressentiment qui pousse Segura à traverser les frontières à nouveau, cette fois en sens inverse, alors qu’elle revisite l’histoire de sa famille intimement liée à celle de Cuba.

Née le jour anniversaire de la révolution de Fidel Castro, Segura a été symboliquement nommée la plus jeune soldate révolutionnaire de Cuba, un fardeau imposé par le poids de l’histoire. Le film, entièrement en espagnol, est profondément intime malgré le fait que le Canada soit son point d’ancrage géographique.


3. Qu’est-ce qui fait de Seguridad une œuvre cinématographique marquante, et quelles en sont les failles narratives ?

Le voyage de Segura à Cuba l’amène à revisiter les lieux les plus marquants de son histoire et de celle de son père, retraçant les moments décisifs qui ont marqué tous les Cubains. Cependant, les moments les plus puissants du film ne sont pas centrés sur l’histoire de la révolution ou ses questions sur ses pères, mais sur les moments intimes qu’elle partage avec sa grand-mère. Ces interactions, empreintes d’un profond sens de la vie quotidienne — un thème indéniablement canadien dans son exécution — sont tellement personnelles et brutes que l’on oublie parfois que l’on regarde un film.

Le film présente néanmoins une faille narrative. Au début, il suggère que l’alcoolisme est à l’origine de la chute de son père. Pourtant, vers la fin, une grande révélation établit un lien plus étroit entre les difficultés de son père et la révolution cubaine. Ce moment crucial, cependant, est mal expliqué et brièvement narré par un ami de son père, dont la voix et le ton rendent la compréhension difficile. Bien que la réalisatrice admette sa propre difficulté à comprendre cette révélation, le moment semble sous-développé et aurait pu être mieux exploité tout au long du récit.

Avec son portrait nuancé de l’exil, de la mémoire et de l’identité, Seguridad est une contribution précieuse au cinéma canadien et latino-américain, et une pièce essentielle dans le dialogue continu sur les récits diasporiques.


Chronique cinéma de Hudson Moura : The Substance

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Durée de 20 minutes

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Cinq questions sur The Substance de Coralie Farget :

  • 1. Sur quoi porte le film The Substance, qui a remporté le prix du public dans la section des films d’horreur au dernier TIFF ?

Le film raconte l’histoire d’une ancienne vedette de la télévision devenue star des vidéos d’aérobic, dans la lignée de celles que Jane Fonda réalisait dans les années 80. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que le rôle principal est interprété par Demi Moore, une autre icône de cette époque, mais plus jeune que Jane Fonda.

Le personnage principal, Elizabeth Sparkle, décide de recourir à un service mystérieux qui lui promet de retrouver sa jeunesse d’autrefois. Le “hic”, cependant, est que cet effet ne dure qu’une semaine sur deux. Ainsi, pendant une semaine, elle vit dans une version plus jeune d’elle-même, tandis que la semaine suivante, elle redevient sa version actuelle. Le film aborde cette transformation à travers le prisme du cinéma d’horreur, avec des scènes particulièrement sanglantes, explicites et sans filtre, notamment en ce qui concerne le corps nu des deux versions d’Elizabeth.

  • 2. Qu’apporte le genre du cinéma d’horreur ? Pourquoi les gens sont-ils aussi fascinés par cette violence à l’écran ?

L’horreur, au-delà de l’escapisme, inclut souvent une forme de violence qui, parfois, relève du pur théâtre. Les spectateurs ne cherchent pas seulement une distraction à travers cette violence, mais aussi une transformation. Ce type de violence, plus esthétique que réaliste, tente d’imposer un ordre dans le chaos. Ce public, par exemple, peut ne pas être capable d’affronter la réalité ou les drames réalistes de manière directe, car il reste souvent dans un état de déni.

L’un des aspects fascinants du cinéma d’horreur est qu’il permet d’aborder des thèmes dramatiques et profonds sous un autre biais, plus indirect, mais tout aussi percutant. Il traite des sujets tels que la peur de la mort, la perte de contrôle ou les conflits intérieurs, mais en les présentant dans un cadre imaginaire où les angoisses deviennent des monstres ou des menaces surnaturelles. Ce détour par le fantastique permet aux spectateurs de réfléchir à ces thèmes sans la lourdeur immédiate d’un drame réaliste.

Lorsque l’on parle de peur de la réalité, cela renvoie en fait à la peur de la mort et de la finitude humaine, qui est précisément le thème central de ce film. L’horreur permet de confronter ces angoisses profondes dans un cadre contrôlé, tout en offrant une catharsis émotionnelle, ce qui peut être plus efficace pour transmettre certains messages.

  • 3. Comment la mise en scène et la réalisation contribuent-elles à l’impact visuel du film ?

Dès les premières images, le film impressionne par sa mise en scène soignée et son usage audacieux de l’espace urbain, notamment à travers des personnages en errance dans la rue. Le cadre est saturé de symboles de la culture populaire des années 80, avec des références visuelles marquantes, comme l’étoile d’Hollywood sur le trottoir qui reflète l’illusion du succès et du glamour. Ce n’est pas seulement le scénario, lauréat du prix de scénario à Cannes, qui marque les esprits, mais aussi la réalisation.

La caméra, agile et fluide, capte des plans rapprochés, parfois dérangeants, qui intensifient l’atmosphère oppressante et intime du film. Ces choix de mise en scène confèrent au film une dimension sensorielle, où chaque détail visuel amplifie l’impact émotionnel, rendant l’expérience plus immersive. De plus, la salle de bain blanche et minimaliste devient un espace central, rappelant les décors froids et épurés de Kubrick, renforçant l’idée d’une esthétique contrôlée et réfléchie.

  • 4. Quels sont les thèmes principaux abordés dans le film, et comment sont-ils explorés à travers les personnages et la caméra ?

Le film, situé dans les années 80, aborde des thèmes universels tels que l’idéal de beauté, l’éternité et le vieillissement. À travers une caméra qui explore le corps féminin de manière provocante – ce qui ne serait probablement pas accepté aujourd’hui sans une approche thématique aussi réfléchie – il critique les normes esthétiques et la quête éternelle de la jeunesse. Les plans rapprochés des corps, notamment dans les costumes d’aérobic, soulignent cette obsession de la perfection physique.

Cependant, ce qui distingue ce film, c’est son point de vue féminin. Réalisé par une femme et centré sur des personnages féminins, il montre les hommes sous un angle critique, soit comme des figures arrogantes, soit comme des vieillards pervers.

Une scène emblématique montre un homme qui voit du sang par terre et conclut qu’il s’agit de “Lady business”, une référence désinvolte à la menstruation. Le film explore également la colère et la frustration des femmes face au vieillissement, un conflit intérieur qui prend la forme d’un monstre – un double d’elles-mêmes – incarnant leur propre peur de vieillir.

  • 5. En quoi le film fait-il référence à d’autres œuvres cinématographiques, et comment ces influences renforcent-elles son message social ?

Le film est truffé de références à des œuvres cinématographiques majeures, qui renforcent son discours critique sur la société. Par exemple, la musique rappelle celle de Vertigo d’Hitchcock, amplifiant l’atmosphère de tension psychologique. De plus, les influences de Kubrick sont omniprésentes, notamment dans les allusions à The Shining et 2001 : L’Odyssée de l’espace, qui ajoutent une profondeur visuelle et thématique au film.

Les scènes de rage, notamment les moments où le public est enragé contre le monstre, évoquent la fureur destructrice de Carrie de Brian De Palma. Ce parallèle met en lumière la façon dont le film utilise l’horreur pour critiquer la société, en particulier les pressions imposées sur les femmes pour qu’elles conservent une beauté et une jeunesse éternelles. En somme, le film est un commentaire social puissant, dénonçant non seulement l’obsession pour la perfection physique, mais aussi la consommation alimentaire démesurée, illustrée par des scènes où la nourriture devient dégoûtante et répugnante.


Soldier in a front of a tank

Chronique cinéma de Hudson Moura : Russians at War

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Durée de 20 minutes

Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada

Trois questions sur Russians at War de Anastasia Trofimova:

  • 1. Russians at War est-il un film de propagande ?

Non, car il n’y a pas d’idéologie claire promue dans le film. Les déclarations des soldats sont confuses et contradictoires. Ils sont perdus, découragés, et n’ont pas de définition précise de la guerre ni des raisons pour lesquelles ils se battent. La plupart disent quelque chose comme : « Je suis un ordre ; c’est moi ou eux. »

L’histoire des deux pays dépasse la simple géopolitique : elle touche à des cultures et des familles déchirées et divisées à cause d’une décision politique qui a ignoré les nombreux traits communs entre ces peuples.

Dans le documentaire, Russians at War, il est parfois difficile de déterminer le sujet d’une interview ou à quoi une déclaration se réfère précisément.

Il y a eu un ordre d’envahir, et ils l’ont exécuté. Certains ne savent même pas si c’est bien ou mal : « C’est moi ou eux. Nous avons un peu tort, et eux aussi. Nous nous battons, c’est tout. »

Dans certaines séquences, les soldats russes semblent aider les Ukrainiens locaux, et certains de ces Ukrainiens soutiennent la Russie parce qu’ils ont été élevés dans la croyance que les dirigeants et les valeurs russes faisaient partie intégrante de leur identité.

Qui a besoin de cette guerre ?” demande l’épouse d’un soldat russe mort : “Personne… ni aucune épouse, mère ou enfant. Que toute la Russie le sache grâce à ce documentaire.”

La documentariste déclare à propos :
Des soldats : “Ils n’étaient ni surhumains ni maléfiques.”
De la guerre : “La machine de guerre a entraîné beaucoup de gens au front, exploitant leur sens du patriotisme, de l’amitié et de la compassion. Mais les véritables objectifs de cette guerre restent encore flous pour moi.”

« 90 % de la guerre, ce ne sont que des mensonges, » dit une soldate médecin enceinte. « Il y a quelqu’un qui gagne de l’argent avec tout ça. Comment pourrais-je expliquer cela à mon enfant qui va naître ? »

  • 2. Quelles sont les erreurs de la réalisatrice ?

Posicionalité: « Je suis Russe. Mes co-cytoyens… », dit la documentariste… Le Canada n’est pas mentionné du tout dans l’introduction du film.

Propos: La proposition du film n’est pas très bien définie. La réalisatrice se présente comme étant russe (sans mentionner le Canada) et explique qu’elle a été poussée à faire ce film après avoir rencontré un Ukrainien qui a décidé de se battre pour la Russie. Une explication qu’elle n’a pas compris. Cependant, cet élément n’est pas représentatif du film. Le film ne traite pas spécifiquement d’Ukrainiens combattant pour la Russie.

Un soldat demande: De quoi parle ce film ? Un autre soldat répond : de nous… de la “Pravda” (vérité)… et non de ce que l’on voit à la télévision.

Réalisatrice Anastasia Trofimova (Still du film Russians at War)
  • 3. Pourquoi ce film mérite-t-il d’être réalisé et vu au Canada aujourd’hui ?

Nous vivons dans une démocratie où montrer les deux côtés d’une question et permettre aux citoyens de décider est un droit fondamental.

Les Canadiens ont le droit d’entendre les deux points de vue, même si cela relève parfois de la propagande. Mais, dans ce cas précis, il semble que le film ne corresponde pas vraiment à une œuvre de propagande, car il ne défend ni ne présente une idéologie claire et homogène.

Nous ne vivons pas dans une dictature, contrairement à ce que certains Ukrainiens voudraient nous faire croire en empêchant les Canadiens d’accéder à un film produit par le gouvernement canadien, le même gouvernement qui finance également la guerre en Ukraine.

Personnellement, je préférerais que le gouvernement canadien encourage un dialogue entre ces deux pays, plutôt que de leur fournir de l’argent pour prolonger le conflit et entraîner encore plus de morts.

Les Russes sont très sophistiqués en matière de propagande… a déclaré un responsable ukrainien ici au Canada. Cependant, ce film n’est pas russe, il est franco-canadien. Est-ce à dire que des institutions canadiennes comme TVO et Ontario Creates ont été naïves en produisant ce film, ignorant qu’elles faisaient de la propagande pour la Russie ? Je ne crois pas.


Chronique cinéma avec Hudson Moura: I’m Still Here

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Durée de 16 minutes

Dans la mosaïque sur Ici Première de Radio Canada

Trois questions sur I’m Still Here de Walter Salles

  • 1. Quel est le sujet principal du film I’m Still Here de Walter Salles et quel aspect humain et politique aborde-t-il ?

Le film raconte l’histoire du député brésilien Rubens Paiva, un fervent opposant à la dictature militaire qui a sévi au Brésil dans les années 60 et 70. Figure emblématique de la résistance politique, Rubens Paiva a été enlevé de son domicile à Rio de Janeiro par des agents du gouvernement, sous le prétexte qu’il devait donner une simple “déposition” aux autorités. À partir de ce jour, il a disparu sans laisser de traces. Adapté des mémoires de son fils, Marcelo Rubens Paiva, ce drame politique bouleversant est magistralement réalisé par Walter Salles, connu pour ses œuvres Carnets de voyage et Central do Brasil.

Le film adopte le point de vue intime de la femme de Rubens, Eunice, brillamment interprétée par Fernanda Torres et Fernanda Montenegro (nominé aux Oscars pour Central do Brasil). Pendant des décennies, Eunice se bat sans relâche pour découvrir la vérité sur le sort de son mari, refusant de céder à la peur et à la répression. Cette quête personnelle et douloureuse met en lumière les ravages causés par la dictature, non seulement sur les dissidents politiques, mais aussi sur leurs familles, plongées dans le deuil et l’incertitude.

  • 2. En quoi le film I’m Still Here de Walter Salles est-il pertinent dans le contexte politique mondial actuel ?

I’m Still Here vient de remporter le prix du meilleur scénario au Festival de Venise, saluant ainsi la qualité de l’écriture qui parvient à capturer à la fois la dimension politique et humaine de cette tragédie. Inspiré d’une histoire vraie, ce film est bien plus qu’un simple témoignage historique ; il résonne profondément avec les enjeux politiques contemporains. À travers la figure de Rubens Paiva, le film incarne la lutte contre l’oppression et la quête infatigable de justice, thèmes universels qui trouvent un écho particulier dans le contexte mondial actuel. Ce film rappelle non seulement les horreurs des dictatures qui ont marqué les années 60 et 70, mais il se dresse également comme un avertissement face à la montée des extrémismes de droite que nous observons aujourd’hui, que ce soit en Europe, au Brésil ou aux États-Unis. En exposant les conséquences de l’oppression et de la violence étatique, I’m Still Here invite le spectateur à réfléchir sur les menaces actuelles à la démocratie et à la liberté individuelle. C’est un film puissant qui transcende son époque et offre une réflexion nécessaire sur les défis politiques de notre temps.

  • 3. Quel est votre avis global sur le film, tant sur le plan artistique que cinématographique ?

Avec une équipe aussi talentueuse, il ne pouvait en être autrement : le film est très réussi. Cependant, en tant que passionné de cinéma, je dois dire que je l’ai trouvé un peu “conventionnel”. Il suit une narration chronologique avec un arc narratif solide, mais sans véritable innovation. Visuellement et émotionnellement, il est magnifique, que ce soit pour l’histoire, les performances des acteurs, la reconstitution de l’époque ou la qualité de la réalisation. Toutefois, du point de vue de la mise en scène, il n’y a pas eu de grande surprise. Ne vous attendez donc pas à un effet “wow”. En résumé, j’ai beaucoup apprécié le film, surtout pour son importance historique, mais je pense qu’il aurait pu prendre plus de risques sur le plan cinématographique.


Chronique cinéma avec Hudson Moura: Dream Machines

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Durée de 16 minutes

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Trois Questions sur Dream Machines:

Battlescar by Nico Casavecchia, avec Rosario Dawson

Empereur by Marion Burger and Ilan J. Cohen, avec Olivia Cooke (House of Dragons)

Gloomy Eyes by Fernando Maldonado and Jorge Tereso, avec Colin Farrell

Missing Pictures: Naomi Kawase by Clément Deneux

  • 1. Pourquoi la sélection de films immersifs a-t-elle attiré votre attention ?

Dream Machines est une sélection de films en réalité virtuelle organisée par le Consulat de France, présentée cette année au Festival de Cannes. Bien que le TIFF n’ait pas inclus de films immersifs dans sa sélection, cette tendance est de plus en plus répandue dans les festivals de cinéma, qui intègrent désormais de nouveaux formats dans leurs programmations, qu’il s’agisse d’œuvres interactives, de réalité virtuelle ou augmentée, et bien d’autres encore. En tant qu’éditeur d’une revue académique et organisateur de la conférence annuelle en ligne Interactive Film & Media Journal and Conference, je suis particulièrement enthousiaste à l’idée de partager cette nouvelle forme de narration, qui ouvre des perspectives passionnantes pour le futur du cinéma.

  • 2. Mais qu’est-ce qu’un film immersif, et en quoi se distingue-t-il des autres formes de cinéma ?

Les films immersifs offrent une connexion plus profonde avec l’histoire et les personnages, rendant l’expérience à la fois plus intime et engageante. Prenons l’exemple d’Empereur, réalisé par Marion Burger et Ilan J. Cohen, avec la voix d’Olivia Cooke (vue dans House of Dragons). Ce film est interactif, permettant à l’audience de participer activement à l’histoire et de ressentir les sensations du personnage principal. Le point de vue est subjectif, celui d’un père devenu aphasique, ce qui plonge le spectateur dans une expérience sensorielle unique. Dans un style visuel monochrome, inspiré par l’animation traditionnelle, cette histoire intime prend la forme d’un périple aux accents surréalistes. Elle invite à explorer l’aphasie comme un territoire lointain, une métaphore puissante de la perte de communication et de l’isolement. À travers des effets tels que la confusion du langage et l’incapacité à exprimer clairement des pensées, le film parvient à immerger l’audience dans la frustration de l’aphasie. Cette approche permet ainsi de mieux comprendre la complexité de cette condition en offrant une expérience émotionnelle et visuelle inédite.

  • 3. Quelle forme de film est la plus explorée dans les films interactifs?

Le documentaire est la forme cinématographique la plus explorée dans les films interactifs, davantage que la fiction, qui domine plutôt le domaine de la réalité virtuelle. Missing Pictures : Naomi Kawase de Clément Deneux fait partie de cette sélection et se qualifie comme un documentaire, bien que la majeure partie du film soit constituée d’une animation fictive. Le film immerge le spectateur dans un projet que la cinéaste japonaise Naomi Kawase n’a jamais pu réaliser. À travers le personnage d’Aya, une jeune femme romantique et en surpoids, Kawase explore un genre inhabituel pour elle : la comédie, très éloignée de son style poétique et naturaliste. L’introduction du film, où l’on voit la réalisatrice de près partager ses pensées, est cependant particulièrement impressionnante et intime, créant une connexion directe et émotive entre le spectateur et la cinéaste.


Chronique Cinéma avec Hudson Moura: TIFF24 et Kinds of Kindness

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Durée de 21 minutes

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Trois questions sur Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos

  • 1. De quoi parle Kinds of Kindness de Yorgos Lanthimos ?

Kinds of Kindness est une fable en triptyque réalisée par Yorgos Lanthimos. Le film suit trois récits distincts : un homme qui tente de reprendre le contrôle de sa vie, un policier perturbé par le retour mystérieux de sa femme disparue, et une femme cherchant une personne dotée de pouvoirs spirituels exceptionnels. Chaque histoire explore les thèmes du pouvoir, du contrôle et du libre arbitre, et interroge la dynamique des relations humaines dans un monde à la fois réaliste et surréaliste.

  • 2. Qu’est-ce qui distingue Kinds of Kindness des autres œuvres de Yorgos Lanthimos ?

Kinds of Kindness se démarque par sa structure anthologique, un format que Lanthimos a voulu expérimental et stimulant pour le spectateur. Contrairement à ses films précédents comme Canine ou La Mise à mort du cerf sacré, qui suivaient un seul récit, ce film présente trois histoires distinctes mais thématiquement liées. Le réalisateur souhaitait que chaque segment se nourrisse des thèmes abordés précédemment, rendant l’ensemble plus complexe. De plus, Lanthimos renoue avec un style visuel plus simple, tourné en extérieur avec des éclairages naturels, ce qui contraste avec ses œuvres récentes, plus sophistiquées en termes de décors.

  • 3. Pourquoi Kinds of Kindness est-il important dans le paysage cinématographique actuel ?

Kinds of Kindness s’inscrit dans une tradition de cinéma d’auteur qui interroge la condition humaine à travers des récits non linéaires et troublants. Ce film, qui a valu à Jesse Plemons le Prix d’Interprétation Masculine à Cannes, incarne parfaitement l’audace de Lanthimos dans sa manière de traiter des thèmes universels tels que le pouvoir et la foi, mais avec une touche de noirceur et d’ironie. En jouant avec les codes du cinéma et en offrant une réflexion sur la dynamique des relations humaines, le film propose une expérience cinématographique riche et unique, marquant ainsi un tournant dans le travail de Lanthimos. Disponible sur les plateformes de streaming, il invite un large public à une réflexion profonde sur la complexité des comportements humains.